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maternelles, sous des traits qui ne rappellent en rien l’idée que nous en avons pu prendre par ailleurs. Autoritaire, dure, intéressée, elle aurait poursuivi d’une haine tenace la pauvre Mlle de Mézières, qu’elle aurait même dépouillée de son patrimoine. Il est assez vraisemblable qu’éprise de son second époux, Mme de la Haie éloigna sans trop de peine sa fille aînée, tandis qu’elle élevait auprès d’elle avec tendresse sa fille cadette, Mlle de la Haie, la future Mme de Montesson. Il est avéré que les rapports de la mère et de la fille, dépourvus de toute cordialité, furent d’ordre exclusivement procédurier.

On pouvait s’y attendre : cette éducation sans tendresse fit de la jeune fille une révoltée, et ne la disposa que trop à accueillir contre sa mère toutes les défiances, contre sa sœur toutes les jalousies. C’est de sa mère que Mme de Genlis avait hérité cette antipathie dénigrante envers Mme de Montesson, dont elle ne parlait dans le monde qu’en la désignant par ces mots « ma tantâtre. » Aux inconvéniens ordinaires des couvens à cette époque s’ajoutait pour Mlle de Mézières l’éloignement systématique où la maintenait durement l’indifférence des siens. Pour elle, jamais de ces visites au parloir qui sont la diversion et les étapes joyeuses, les éclairs mondains de ces années de vie factice. Mme de la Haie n’apparaissait, au dire de sa petite-fille, que fort rarement ; encore était-ce pour répéter à la jeune recluse qu’elle n’avait point à attendre d’autre destinée, et pour prier les religieuses de décider cette vocation rebelle.

Avec quelle joie Mlle de Mézières saisit à vingt-six ans, malgré la volonté maternelle, une occasion de mariage qu’elle n’espérait plus, on le devine aisément. Elle avait dû au hasard d’une amitié de couvent de faire la connaissance d’un jeune gentilhomme bourguignon, Pierre-César Ducrest, cadet de bonne maison. Le fiancé n’était guère plus argenté qu’elle-même, et, dans l’entourage des deux jeunes gens, on ne se gênait pas pour dire bien haut que « c’était marier la faim avec la soif. » Mais on eût en vain démontré à Mlle de Mézières les tracas et les difficultés qu’elle se préparait par un tel mariage : ne représentait-il pas à ses yeux l’affranchissement, et ne lui ouvrait-il pas ces grilles qu’elle avait tant redouté de voir se fermer à jamais ?

Une fois mariée, Mlle de Mézières intenta à sa mère, au sujet de ce qu’elle, appelait « sa légitime, » un procès que reprendra plus tard Mme de Genlis ruinée contre Mme de Montesson. Il ne