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GEORGE SAND
LETTRES Á PONCY

II[1]
DE LA RÉVOLUTION DE FÉVRIER Á L’EMPIRE - TRENTE ANS D’AMITIÉ. — ÉPILOGUE

Au premier bruit du tocsin de Février, George Sand était accourue à Paris, « le cœur plein et la tête en feu. »

C’était une autre femme. Tous les rêves qu’elle accumulait et dont elle souffrait depuis des années prenaient tout à coup forme vivante, sous la condensation subite de la réalité. Un enfantement instantané, prodigieux, succédait à une douloureuse gestation. Aussi, quel sursaut de vitalité ! « Tous mes maux physiques, toutes mes douleurs personnelles sont oubliées. Je vis, je suis forte, je suis active, je n’ai plus que vingt ans[2]. »

Elle n’eut que vingt ans, en effet, durant ces mois de fièvre, où, de février à juin 1848, elle ne cessa de brûler des passions les plus généreuses, d’attiser celles de ses compagnons de lutte, d’écrire et d’agir, partout à la fois sur la brèche, notant avec lyrisme les espérances, enregistrant les défections avec une constance inébranlable, n’en recevant pas moins les déceptions en plein cœur, mais courageuse et combattant quand même, jusqu’au jour où, prévoyant le sang et les massacres, elle sentit son cœur s’émouvoir et courut se terrer en Berry.

  1. Voyez la Revue du 1er août 1909.
  2. Correspondance, III, p. 11.