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Son activité de plume fut alors, on le sait, sans pareille. Articles, brochures, proclamations, lettres, appels, se multipliaient sous ses doigts brûlans. Tantôt elle se mêle à la foule pour la joie de sentir la force populaire et de s’y abîmer un instant ; tantôt, dans le sous-sol fumeux où besognent les protes de Ledru-Rollin, elle met la main à la casse, et, sous la blouse de l’ouvrier, imprime, rédige, corrige les Bulletins tout humides d’encre grasse. Le mois de mars voit paraître d’elle les Lettres au peuple, plusieurs Bulletins de la République, le journal de la Cause du peuple, et plusieurs brochures. Le mois d’avril, une Lettre à divers journaux, un petit acte, le Roi attend, cinq numéros d’une nouvelle publication, Paroles de Blaise Bonnin aux bons citoyens, et la suite de la Cause du peuple, où elle raconte les « journées » de la Révolution, celle du 16 avril, celle du 20 avril, etc. En mai et en juin, c’est la Lettre à Thoré, une série d’articles importans dans la Vraie République, des portraits de Louis Blanc, de Barbès, un Feuilleton populaire, une Lettre à Madame Brault, etc., sans parler d’une correspondance intarissable, d’une action directe poursuivie dans l’Indre, dans la Creuse, par le moyen d’amis berrichons ; d’une autre, indirecte, à l’étranger, par Mazzini, et de tout ce qu’elle saisit et raccorde au passage, avec la foi d’un croyant et le désintéressement d’un apôtre. Et elle réchauffe les tièdes, entraîne momentanément les demi-convaincus. Qui résisterait à ce cœur, à cette éloquence ? Ne prêche-t-elle pas d’exemple, et le renoncement ne se lit-il pas sur les quatre murs de la mansarde qu’habite alors cette femme illustre, au numéro 8 de la rue de Condé ?

Bon gré, mal gré, il faudra que Poncy, à l’autre bout de la France, s’improvise homme politique, et suive le mouvement : « Ainsi, mon ami, vos amis doivent tourner les yeux sur vous pour la députation. Je suis bien fâchée de ne pas connaître des gens influens de notre opinion dans votre ville. Je les supplierais de vous choisir, et je vous commanderais, au nom de mon amitié maternelle, d’accepter sans hésiter. Voyez, faites agir ; il ne suffit pas de laisser agir. Il n’est plus question de vanité ni d’ambition comme on l’entendait naguère. Il faut que chacun fasse la manœuvre du navire et donne tout son temps, tout son cœur, toute son intelligence, toute sa vertu à la République. Les poètes peuvent être, comme Lamartine, de grands citoyens. Les ouvriers ont à nous dire leurs besoins, leurs inspirations.