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Poncy, objet de cette étude, est, dans la vie de George Sand, un exemple entre bien d’autres, et j’allais dire un symbole. Et ce sera son éternel honneur d’avoir provoqué l’appel magnétique qui de Nohant partit un jour vers son cœur ingénu, d’avoir senti sa puissance, et d’y avoir répondu avec la plénitude de ses modestes moyens.


A de telles liaisons d’âmes il n’est point d’autre épilogue que celui de la vie et de la mort. Dans les vingt dernières années de leur amitié fraternelle, George Sand et Poncy, Poncy et George Sand mirent en commun, simplement, leurs joies et leurs douleurs terrestres. Ils en eurent, l’un et l’autre, une part abondante, et qui, pour la douleur, passa chez Poncy l’ordinaire. A peine remise des émotions de 1852, George Sand, qui avait déjà vu sa fille ruinée, assistait maintenant, en témoin impuissant, aux tristes débats de Solange et de son mari autour de leur enfant, sa chère petite Nini. Elle voyait Solange, affolée essayer du Sacré-Cœur en désespoir de cause[1] ; elle espérait avec elle une vie nouvelle quand l’enfant fut rendue à sa mère ; elle retomba dans un abîme de douleurs lorsque Jeanne Clésinger leur fut subitement ravie, quelques semaines après. Elle cherchait, d’un crayon tâtonnant, à retracer les traits de sa fillette adorée, dont elle n’avait aucune image[2]. Accablée sous le poids du deuil, elle partait enfin pour l’Italie, afin de secouer sa torpeur mortelle. Une de ses consolations fut, en traversant Toulon, d’embrasser Poncy, Désirée et Solange. Six ans plus tard, relevant d’une fièvre typhoïde qui avait failli l’emporter, elle décida, pour achever sa convalescence, ce beau voyage vers la campagne toulonnaise qui remplit le printemps de l’année 1861, et d’où est sorti le roman de Tamaris. Là, elle eut la jouissance, dans sa plénitude, de cette chère amitié. Entre « Mer-Vive, » le chalet de Poncy, et Tamaris, où George Sand et Maurice avaient pris leurs quartiers, c’étaient des allées et venues perpétuelles. Puis Maurice alla en Amérique, emmené par le prince Jérôme. Puis il revint, et se maria. La joie de cet

  1. Voyez George Sand et sa fille, p. 192, et les pénétrantes pages sur la Conversion de Solange Sand, dans le Figaro littéraire du 27 février 1909, par Sibyl Mérian.
  2. Elle ignorait sans doute qu’un charmant portrait-miniature de Nini se trouvait entre les mains de la fille de son ami Bourdet (Madame F. H. Bourdon). Ce portrait est encore inédit.