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James de Kerjégu, Gaston Menier parmi les hommes politiques, Saint-Saëns et Massenet parmi les artistes, n’ont eu qu’à se louer de la bonne grâce de son accueil. Et si la France et l’Allemagne, séparées par les traditions, les intérêts, les aspirations, se sont trouvées souvent face à face sur le champ des luttes internationales, elles n’ont pas renoncé à se rencontrer courtoisement sur celui des lettres, des arts, de la bienfaisance et de l’humanité.

Elles ont su régler aussi les questions positives qui les mettaient en présence. Dans l’ordre colonial, elles ont délimité leurs possessions de l’Afrique occidenlale. Et si, du point de vue français, on peut et on doit blâmer la façon dont on a sacrifié les intérêts de nos nationaux, — tant en n’occupant pas réellement les territoires concédés, ouverts ainsi aux empiétemens allemands, qu’en souscrivant à la légère à des échanges territoriaux onéreux pour les concessionnaires, — il est équitable de reconnaître que, depuis les incidens de 1905, aucune violence ne s’est produite. Dans l’ordre juridique, on a négocié une utile convention relative à la propriété littéraire. Dans l’ordre économique enfin, on s’est préoccupé de développer les échanges entre les deux pays. On s’en est préoccupé, à dire vrai, avec plus de zèle que de clairvoyance et sans tenir assez compte du protectionnisme outré qui sévit des deux côtés de la frontière. M. Jules Cambon recommandait naguère aux champions de cette campagne la lenteur et la réflexion. On est obligé de se demander si son conseil a été entendu. Mais, s’il faut redouter les imprudences, on ne saurait blâmer le désir d’augmenter le trafic franco-allemand. Les deux peuples voisins peuvent être l’un pour l’autre de bons cliens. C’est pour eux un motif de plus d’éviter les désaccords inutiles.


IV


Aussi bien entre l’Allemagne et la France, l’histoire, qui n’abdique pas, marque la limite des réconciliations possibles.

La politique de Bismarck a imposé à l’Empire allemand la durable rançon des bénéfices qu’elle lui a valus. L’unité créée par le fer et par le sang a consacré au dedans l'hégémonie prussienne. Mais elle a posé à l'extérieur la question française,