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On sait avec quelle énergie les légionnaires maniaient la pioche et la bêche, aussi bons terrassiers qu’admirables soldats. Leur chef leur imposa cette fois une tâche formidable. Il avait résolu d’envelopper la position d’Alésia par des ouvrages dont le périmètre était de onze mille pas (environ seize mille mètres) ; il y établit vingt-trois redoutes occupées le jour par des postes, la nuit par des hommes de garde. Un fossé perdu à fond de cuve, large de vingt pieds, s’étendait sur une ligne continue tout autour de la place. A quatre cents pieds en arrière s’élevait un rempart de douze pieds fortement palissade, surmonté d’un parapet crénelé et précédé d’un fossé. De quatre-vingts pieds en quatre-vingts pieds le parapet était flanqué de tours qui permettaient aux défenseurs de couvrir de projectiles les assaillans. Entre le fossé perdu et la contrevallation, des chausse-trapes, des trous-de-loup et des groupes de pieux aigus disposés en quinconce défendaient les ouvrages contre toute attaque des assiégés.

Cette première partie de sa tâche accomplie, il restait au général romain un autre péril à conjurer. Il savait par des transfuges que Vercingétorix faisait un appel désespéré aux tribus gauloises et que les assiégeans allaient être attaqués par une très nombreuse armée envoyée au secours des assiégés. Il fallait donc se retourner et, après avoir fait front du côté de la place, se garder du côté de la campagne.

César n’y manqua pas et traça, en arrière de ses premiers travaux, une nouvelle ligne de circonvallation dirigée contre l’extérieur. Merveilleux dans les préparatifs, il l’est plus encore sur le champ de bataille, lorsque, attaqué de deux côtés à la fois, voyant l’intrépide Labienus sur le point d’être forcé dans ses retranchemens, submergé par un flot d’assaillans, il juge le moment venu de payer de sa personne et, au milieu des acclamations de ses soldats, se précipite l’épée à la main sur les Gaulois qu’il a fait prendre à revers par sa cavalerie. Les assiégés rentrent tristement dans Alésia ; de l’immense armée de secours, des deux cent cinquante mille hommes qu’elle comprenait, il ne reste que des fuyards. « Le lendemain, » dit le Duc d’Aumale, dans un de ces tableaux auxquels la précision de son style donne tant de relief, « César siégeait sur son tribunal, entouré de ses officiers, lorsqu’un cavalier d’une haute stature et armé de toutes pièces sortit tout à coup de la ville et se