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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/328

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dirigea au galop vers le proconsul. Au milieu d’une surprise universelle, il fit faire quelques évolutions à son cheval, puis jeta ses armes aux pieds du général romain et s’arrêta devant lui muet et immobile. » C’était Vercingétorix qui venait offrir sa vie pour sauver celle de ses compagnons.


VI

En 1859, le prince suivait avec sollicitude les oscillations de la politique impériale. Aurait-on, ou n’aurait-on pas la guerre ? L’empereur Napoléon III pousserait-il jusqu’au bout la querelle qu’il cherchait à l’Autriche, ou se contenterait-il d’une victoire diplomatique ? Chacun se posait la question en Europe, mais personne avec plus d’anxiété que le Duc d’Aumale. Il venait d’accepter, en effet, une grosse responsabilité personnelle. Voulant faire cesser au moins pour un de ses neveux, pour le Duc de Chartres, fils cadet du Duc d’Orléans, l’inaction qui lui pesait tant à lui-même, il avait négocié l’entrée de ce jeune homme dans l’armée piémontaise. La négociation n’avait pas marché toute seule. Les liens qui unissaient le cousin de l’Empereur à Victor-Emmanuel la rendaient particulièrement délicate. Le prince avait réussi néanmoins du premier coup en intéressant Cavour à sa cause, et la reine Marie-Amélie lui en témoignait toute la reconnaissance de la famille dans une lettre charmante où elle dit entre autres choses : « Tu es un excellent chargé d’affaires, car tu les fais promptement et bien. » Elle ajoutait en parlant de son petit-fils : « C’est un enfant plein de cœur et ferme dans ses volontés. »

Le Duc de Chartres justifiait les espérances que les siens avaient mises en lui. Il passait brillamment ses examens d’entrée à l’Ecole militaire de Turin, et il en sortait le second après cinq mois de séjour. Immédiatement nommé lieutenant au régiment de Nice-Cavalerie, il eut la joie de faire campagne dans les rangs de l’armée sarde, à côté de nos soldats. « Aux derniers engagemens, écrivait le Duc d’Aumale, mon incorrigible neveu rejoignait son corps, prêt non pas à pactiser avec nos ennemis, mais à les charger à outrance. » En remerciant le roi de Sardaigne, l’oncle n’exprimait qu’un regret, celui de ne pouvoir accompagner son neveu et servir avec lui la même cause… « Je n’ai pas désiré cette guerre, disait-il avec sa