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soient les embûches légales ou extra-légales que l’on tende pour détruire notre nationalité, notre nature se révoltera toujours. »

En outre, Tunis n’est qu’à six heures de Païenne : le fil qui unit les populations des deux villes reste solide et tendu. Des sénateurs, des députés, des Commissions, viennent réchauffer le zèle des transplantés. De telle sorte qu’une théorie, juste pour la République Argentine, n’est pas complètement applicable à la Tunisie. Comme les Allemands et les Suisses, les Italiens se groupent en sociétés : musique, mutualité, bienfaisance, écoles, propagation de la langue, tout sert de prétexte. L’italianisme est le pivot de ces groupemens. Aussi les colons accueillent-ils avec enthousiasme les compatriotes qui débarquent à Tunis, pour les entretenir du culte de la métropole et du lien moral qui les y rattache. Toutefois, ici, des distinctions s’imposent. Dans les villes, les intellectuels italiens font vibrera l’unisson la masse des immigrans. Mais, au dehors, tout est moins précis. Chez les ouvriers et les paysans, disséminés ici ou là, livrés à eux-mêmes, l’intérêt immédiat finit par primer toute autre préoccupation et ils rentrent plutôt dans le cas des Italiens de l’Amérique du Sud.

En Italie, le gouvernement et l’initiative privée unissent leurs efforts pour raffermir l’attachement à la patrie et maintenir l’unité morale des nationaux qui s’expatrient. L’action gouvernementale s’exerce par la direction des Affaires coloniales, le commissariat de l’Emigration et le Bureau du travail (Ufficio del Lavoro) ; l’initiative privée, par la Société de Géographie, la Société d’explorations géographiques et commerciales, la Ligue Navale et la « Dante Alighieri. » L’Institut Colonial, de création récente, unit en faisceau les efforts isolés de ces divers organes et les dirige vers l’expansion économique de l’Italie. Pour activer ce mouvement, il a convoqué à Rome un Congrès des Italiens à l’étranger, où les délégués ont apporté non seulement des listes de revendications, mais aussi l’esquisse de la situation commerciale de leurs résidences.

Le premier Congrès (18 au 31 octobre 1908) comprenait 254 délégués, dont 110 pour l’Europe, 107 pour l’Amérique, 36 pour l’Afrique et 1 pour l’Asie (Chine). Dans ce nombre, la Tunisie, où se discutent tant de problèmes délicats, comptait 7 représentans.