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an. Mais ils sont à peu près tous supérieurs à 100 francs. Un loyer de moins de 100 francs est présentement exceptionnel, puisqu’il n’en existe que 17 000, et que, parmi les pauvres mêmes, vieillards, infirmes ou incurables, secourus de façon permanente par l’Assistance publique, 1 pour 100 seulement paient moins de 100 francs de loyer, 74 pour 100 paient de 100 à 200 francs et 24 pour 100 de 200 à 300 francs. De cette population indigente le sixième (16 pour 100) en 1886, — la moitié (50 pour 100) en 1856, — et les deux tiers (68 pour 100) en 1829, — mettaient moins de 100 francs à leur loyer. Et, bien que 100 francs de 1856 et de 1821) vaillent 140 et 160 francs de 1910, cette comparaison n’en rend pas moins sensible la hausse des petits loyers depuis quatre-vingts ans.

Le loyer moyen du ménage populaire, qui ressort de nos jours, à Paris, à 280 francs, peut être évalué à 140 francs sous Louis XV. Mlle Godiche, la monteuse de bonnets, qui habite avec sa tante rue des Cordeliers, ne paie que 90 francs par an ; c’est pourtant une « bonne petite hardie » qui a des amoureux, nous dit dans ses Contes M. de Caylus. A ces prix minimes répondaient des locaux à l’avenant. — « Comment es-tu logée, demande-t-on à la Petite Eventailliste de Restif ? — Dans la rue Saintonge, chez la Crémière, dans un trou, sur la cour, où l’on ne voit pas clair à midi. »

On traitait ainsi le plus souvent avec un principal locataire qui détaillait par étages la « montée, » — ainsi nommait-on les escaliers étroits et raides, — et chaque étage à son tour était l’objet de rétrocessions entre trois ou quatre sous-locataires qui, sur le même palier, tenaient leurs baux les uns des autres. Qu’étaient ces logemens modestes, comparés à ceux d’aujourd’hui ? Qu’étaient-ils, non pas seulement à Paris, mais dans les villes petites et grandes de la province ? Il n’en a été jusqu’ici que fort peu question ; ce sont pourtant ceux des millions de ménages qui forment la majorité de la nation. Mais, pour en parler, il faut les reconstruire, connaître en détail les prix de chaque nature de matériaux et de leur mise en œuvre depuis sept siècles ; c’est l’histoire que j’essaierai de faire dans une prochaine étude.


GEORGES D’AVENEL.