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nourriture. Ce sont les alouettes reconnaissantes qui, lors de son agonie, rompant avec leurs habitudes matinales, se réveillent, dans la nuit, pour venir, au-dessus de la cellule mortuaire, accompagner de leurs chants la montée vers le ciel de l’âme du Saint envolée. Quant aux rossignols, ce sont ses maîtres et modèles, dont il envie l’infatigable inspiration. Quel charmant duo entendit frère Léon dans cette belle nuit où le Saint, exalté par les harmonieuses roucoulades de l’un d’eux, s’enhardit à lui répondre, à lutter avec lui, à lui donner la réplique ! Tous deux, nous dit-on, vocalisèrent ainsi plusieurs heures durant, jusqu’à ce que François, épuisé, dût s’avouer vaincu par l’infatigable mélodiste. Lorsqu’il arrive au pied du pic de l’Alverna, et qu’il s’assied au pied d’un chêne, c’est par un concert d’oiseaux de toute espèce, arrivant de tous côtés, que l’endroit, où doit avoir lieu le miracle suprême, celui des stigmates, lui est formellement désigné. « Tous ces oiseaux chantaient, battaient des ailes, montraient tous grand festoiement et allégresse. Ils finirent par entourer tout à fait saint François, se posant les uns sur sa tête, les autres sur ses épaules, les autres sur ses bras, sur ses genoux, à ses pieds. Ce que voyant ses compagnons et le paysan, leur guide, saint François s’émerveilla et leur dit, tout réjoui : « Je crois, mes très chers frères, qu’il plaît à Notre-Seigneur que nous habitions sur ce mont solitaire, puisque nos sœurs et nos frères, oiselles et oiseaux, montrent tant de joie à notre venue. »

Nombre de ses visions sont accompagnées d’une audition. La jouissance voluptueuse que lui donne la musique, humaine ou céleste, réelle ou imaginaire, est d’une telle intensité, si vive et si aiguë, qu’elle s’achève en souffrance. Durant cette retraite sur l’Alverna, son réveil-matin, son orologio, était un faucon, qui, venant heurter à sa cellule, lui chantait une aubade jusqu’à ce qu’il se levât. Garde-malade, d’ailleurs, singulièrement attentif et dévoué, car « si François se trouvait un jour plus fatigué, ce faucon, en personne discrète et compatissante, ne chantait que plus tard. » Un de ces matins qu’il était « fort affaibli, le Saint voulant se fortifier le corps par une nourriture céleste, et, pensant aux joies glorieuses et démesurées des bienheureux dans la vie éternelle, se mit à prier Dieu de lui accorder cette grâce de faire un peu l’essai de cette joie. Et comme il se tenait en cette pensée, voici qu’apparut un ange, au milieu d’une grande splendeur, lequel tenait une viole de la main gauche, et l’archet de