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s’est fait pour la plus grande partie en Allemagne. On paraît y croire, — il s’agit ici des journaux et non pas du gouvernement, — que nous en avons éprouvé quelque déception. Il n’en est rien. Nous savions parfaitement que, si l’emprunt ne se faisait pas chez nous, il se ferait en Allemagne : 150 millions qu’il s’agissait de fournir, avec le concours de l’Autriche, ne dépassaient évidemment pas les ressources de ce grand pays. Pourquoi aurions-nous vu cela d’un mauvais œil ? M. de Bethmann-Hollweg déclare sans vouloir examiner les détails de l’opération financière, que le gouvernement impérial en a suivi les négociations de sa sympathie. « Il a obéi en cela à un calcul pratique, continue le chancelier, en se disant que l’Allemagne rendrait un service essentiel à sa politique traditionnelle en Orient, qui est fondée sur le maintien de la paix et du statu quo, si elle subvenait aux besoins financiers de la Turquie. » Ce raisonnement que le chancelier impérial a fait pour l’Allemagne, nous l’avons fait autrefois pour nous, et même si souvent qu’en ce qui nous concerne le résultat est atteint : nous avons suffisamment subvenu aux besoins financiers de la Turquie pour être intéressés chez elle au maintien de la paix et du statu quo et n’avons pas lieu de regretter que d’autres y contractent un intérêt de même nature. Il nous semblait d’ailleurs que la politique ottomane étant ce qu’elle est, ce n’était pas précisément à nous à en payer les frais, ou du moins tous les frais : il fallait en laisser un peu pour les autres. Si nous avons un jour le désir de placer encore de l’argent en Turquie, l’occasion se retrouvera. Donc, ce passage du discours du chancelier ne pouvait pas non plus nous déplaire. Disons-le franchement, un seul nous avait, au premier abord, étonné : c’est celui où l’orateur, répondant à M. Bassermann, a dit qu’il ne pouvait pas s’expliquer sur la visite faite par un vaisseau français dans le port d’Agadir, parce que l’incident n’avait pas encore trouvé d’explication officielle. Cette réserve avait un caractère semi-comminatoire qui devait nous frapper : nous nous sommes demandé si l’Allemagne allait reprendre au Maroc la politique à laquelle elle avait renoncé. Heureusement, il n’en a rien été. Le ministre des Affaires étrangères, M. de Kidderlen, a déclaré deux ou trois jours plus tard que le navire français avait le droit d’entrer dans un port marocain où il était chargé de surveiller la contrebande de guerre : tout est bien qui finit bien.

Dans un dernier passage de son discours, M. de Bethmann-Hollweg a parlé de l’Angleterre et de la limitation éventuelle des armemens maritimes des deux pays. Y a-t-il eu des négociations véritables à ce