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désarmée, les propositions qu’elle nous avait précédemment faites, c’est-à-dire avant ou après la première bataille, de conclure la paix sur la base des propositions Benedetti, aux dépens de la Belgique.  » (Circulaires du 29 juillet et du 12 août.)


III

Ce roman historique est devenu le fond de l’argumentation des historiens allemands contre nous. Et cependant, sauf en un point que nous ne dissimulerons pas, il est absolument contraire à la vérité.

Il est faux qu’avant 1866 l’Empereur ait réclamé les provinces rhénanes ou la Belgique : loin d’insister d’une manière menaçante sur une demande quelconque, il a causé de véritables tourmens à Bismarck par son attitude impénétrable. « Bismarck pense, télégraphiait le ministre italien Barrai à La Marmora (le 4 mai), que la mobilisation complète est retardée par les allures mystérieuses de Napoléon, dont il a été impossible jusqu’ici de pénétrer les intentions.  » Govone, l’envoyé italien négociateur du traité entre la Prusse et l’Italie, écrivait (7 mai) : « M. de Bismarck désire connaître les intentions et les désirs de l’Empereur ; il en a parlé à M. de Barral, il lui a dit de tâcher d’en savoir quelque chose par le commandeur Nigra. On ne peut comprendre ce que veut l’Empereur.  » Le même envoyé renouvelle le même renseignement, le 26 : « Bismarck m’a dit en pesant ses paroles : « Il y a six mois, lorsque je parlai à l’Empereur des événemens actuels, il parut content de certains arrangemens qui conviennent également à la Prusse. Maintenant que nous sommes à la veille du dénouement et qu’il conviendrait de nouer des accords plus positifs, il se refuse absolument à toute explication.  » Le 3 juin, Govone raconte qu’après l’échec du Congrès, Bismarck lui dit : « J’aurais été content d’aller à Paris pour m’aboucher avec l’Empereur et connaître le maximum des concessions qu’il désire pour la France.  » Etait-il permis, en présence d’une telle réserve, de parler de demandes insistantes et menaçantes ? Non seulement l’Empereur n’a alors rien demandé, mais il a expressément manifesté sa répugnance à revendiquer les provinces rhénanes. « L’Empereur, écrivait de Paris Nigra à La Marmora, le 24 mai, répugne à annexer des provinces allemandes à la