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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/564

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collègue de Gladstone, dans le dernier Cabinet duquel il était ministre des Affaires étrangères, se trouvait depuis quelques années dans une situation singulière. S’étant séparé de son parti sur la question de l’Impérialisme, il avait, en 1896, officiellement résigné ses fonctions de leader du parti libéral et, depuis lors, il a siégé sur les cross benches, c’est-à-dire, la Chambre des Lords ayant la forme d’un long rectangle, sur les bancs transversaux où siègent les pairs de sang royal qui ne doivent appartenir à aucun parti. Lorsqu’il parie, il est toujours écouté, car il demeure un des premiers, sinon le premier orateur de l’Angleterre, mais il est peu suivi, ce qui est, en politique, le sort ordinaire des indépendans. Les événemens lui préparaient une revanche et les Lords ont dû regretter maintes fois de ne pas s’être inspirés de ses conseils. A trois reprises différentes en effet, lord Rosebery avait invité ses collègues à soulever d’eux-mêmes et librement la question de leur propre réforme. La première fois ce fut en 1884, la seconde en 1888. Il adjurait les Lords, en citant, suivant une habitude oratoire qui lui est familière, des vers bien connus, de ne pas laisser échapper l’occasion et « de saisir aux cheveux le Temps, ce pouvoir fugitif qui ne fait jamais halte. » Mais les Lords ne surent pas saisir le temps aux cheveux. Ils laissèrent même échapper l’occasion une troisième fois en 1907, et dans des circonstances déjà moins favorables, car l’orage commençait à gronder contre la Chambre des Lords. Aussi fit-elle cette fois à Lord Rosebery la concession de nommer une commission pour examiner la question ; mais cette commission apporta tant de lenteur dans ses travaux qu’en quinze mois elle vint à peine à bout de se mettre d’accord sur quelques résolutions de principes qu’elle invita la Chambre des Lords à discuter. Les Lords ne se pressèrent pas plus qu’ils ne s’étaient pressés dix-neuf ans auparavant, alors qu’ils rejetaient un peu dédaigneusement les premières propositions de lord Rosebery et ils laissèrent survenir la tempête électorale qui emporta, comme un fétu de paille, les propositions assez vagues de la commission.

Ce fut donc avec une autorité particulière que, dans la séance du 25 février, lord Rosebery se leva pour inviter, non sans quelque solennité, la Chambre des Lords à se réunir en comité, afin d’étudier « les meilleurs moyens de réformer sa présente organisation et de constituer une seconde assemblée efficace et forte. » Le 14 mars en effet, s’ouvrait dans la Chambre Haute,