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disaient qu’il était convenable que je misse ces deux mots : « Jhesus-Maria. » A la séance du 1er mars, cette même question lui avait été posée : « N’aviez-vous pas coutume d’écrire ces noms : « Jhesus-Maria » dans vos lettres avec une croix ? — Je les mettais quelquefois et quelquefois je ne les mettais pas. » C’était d’ailleurs un usage fréquent à cette époque, car la lettre de Jacques de Bourbon retrouvée dernièrement à Vienne (Autriche) et rendant compte du sacre de Charles VII débutait de la même manière : « Jhesus-Maria. » D’après la réponse de Jehanne, les mots « Jhesus-Maria » et la croix mise en tête de ses lettres étaient plutôt l’œuvre de ses secrétaires que la sienne.

Il faut remarquer que lorsqu’elle employait ces signes, c’était toujours comme en-tête. Nulle part, on ne les trouve sous forme de signature. Toutes ses paroles, toutes les pièces qui nous sont parvenues établissent en effet que jamais elle ne se servait d’une croix comme signature, même à l’époque où elle ne savait pas écrire ; aussi ne peut-on comprendre comment de nombreux historiens ont pu dire qu’une croix fut sa signature habituelle. Jehanne y oppose au contraire un démenti absolu. N’a-t-elle pas dit à la séance du 1er mars : « Quelquefois je mettais une croix comme un signe à celui de mon parti à qui j’écrivais de ne pas faire ce que je lui écrivais. »

Cette déclaration de Jehanne fut considérée comme ayant une telle gravité qu’elle devint un des motifs invoqués pour sa condamnation. Nous en tirerons à notre tour quelques déductions importantes.

Dans les douze articles envoyés à l’Université de Paris, et qui sont le résumé du Procès, l’article VI est entièrement consacré à cette question : « Ladite femme avoue avoir fait écrire de nombreuses lettres… elle mettait parfois une croix et c’était une marque qu’il ne fallait pas exécuter ce qu’elle ordonnait. » Du moment que Jehanne prit le parti de se servir d’une croix comme désaveu, il paraît certain qu’elle empêcha ses clercs de mettre ce signe, même comme en-tête, afin d’éviter toute confusion. La preuve nous en est donnée par l’absence de croix sur les quatre dernières lettres que nous possédons et qui se rapportent à des époques de combats. On doit conclure de cette déclaration faite au Procès qu’elle s’arrangeait pour faire tomber certaines lettres entre les mains des Anglais, afin de les induire en erreur sur ses projets, et qu’à ces lettres seulement, elle