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nécessite, par mille tonnes, 134 hommes ; au Varese, de 7 500 tonnes, il n’en faut déjà que 73 ; la Regina-Elena enfin n’en prend que 56 : son déplacement atteint 12 600 tonnes. Et les grands super-Dreadnoughts, aujourd’hui en construction, ne réclameront que 40 hommes par mille tonneaux. La progression ne se dément pas.

On en trouverait une semblable liée au perfectionnement constant des organes et de leur agencement, des méthodes et des dispositions ou matérielles ou tactiques. L’usine navale prête à des possibilités indéfinies qui accentueront toujours l’importance du matelot par rapport au soldat.

Aussi la marine se contente-t-elle, pour mettre en œuvre des flottes considérables, de peu de personnel. Toute la marine anglaise ne rassemble encore que 131 600 hommes. Quand on reproche à la nôtre les quelque 50 000 qu’elle enlève à nos régimens, fait-on le compte des troupes d’Afrique, atteignant à un chiffre double si l’on voulait, que la maîtrise de la mer nous permettrait de ramener en France ?

Reste la question d’argent. Peut-être nous ferait-elle moins hésiter si l’on se rappelait que la mer rend avec un large intérêt les capitaux qu’on lui confie. Les dépenses navales constituent un bon placement. D’abord, la presque totalité en rentre directement dans des mains françaises ; elles font, à elles seules, vivre sur notre territoire d’innombrables industries. Mais la prospérité de celles-ci attire encore les commandes de l’étranger. Une escadre à la hauteur des derniers progrès promène en tous lieux la preuve d’une supériorité industrielle : c’est la meilleure des réclames pour le travail national.

On n’ignore pas non plus que c’est la meilleure des réclames pour le commerce national, et l’un des élémens qui favorisent le plus efficacement la prospérité d’une marine marchande. Par mille liens, par mille influences réciproques, marine de guerre et marine de commerce dépendent l’une de l’autre.

Enfin, le domaine colonial d’un pays comme le nôtre, ses richesses et ses promesses d’avenir, objet d’envie universelle dans le monde, ne nous appartiennent et ne restent à nous que par l’effet de notre puissance maritime.

Il y aurait là de quoi justifier la mise de fonds nécessaire, si la sécurité même de nos frontières métropolitaines ne rendait déjà indispensable, nous l’avons vu, une forte marine.