Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 3.djvu/403

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la multitude, ne se conduisent qu’avec le bâton de fer. Le Sénatus-Consulte n’est qu’une pièce plaisante à lire. Si les Français y mordent, se croient constitutionnels après cette lecture, cela prouvera leur légèreté, et superficialité. J’y ai trouvé, sans être versée dans le judiciaire ou la diplomatie, le despotisme, le pouvoir d’un seul. Il ne valait pas la peine de juger, massacrer le meilleur des rois, déshonorer, villipender une femme, fille de Marie-Thérèse, une sainte princesse ; de se livrer aux massacres, fusillades, noyades et tuer six cents prélats dans une église ; de commettre les horreurs des temps les plus barbares chez eux et hors de chez eux, d’écrire des bibliothèques entières de liberté, bonheur, etc., etc., et, au bout de quatorze années, d’être les plus reptiles esclaves d’un petit Corse auquel un bonheur inouï a permis de se servir de tous les moyens à parvenir, épousant sans honneur ni délicatesse la rebutée câlin dont était rassasié le massacreur Barras, Turc et mahométan en Egypte, athée au commencement, traînant et faisant mourir en prison le Pape ; catholique religieux après, se servant de tous les moyens, abrégeant la vie et le cours ordinaire des Souverains qui pouvaient se remuer ; ne laissant végéter que des êtres nuls ; le dernier fait atroce et sans ombre de justice, l’assassinat du duc d’Enghien ; tramant, lui (et il n’a pas rougi de le dire, tellement la passion l’aveugle), une conspiration pour attirer des chefs qu’il craignait encore et les victimer ; et de ce comble d’horreurs la nation l’acclame à être Empereur, lui, sa race de Corse bâtard, à être le chef d’à peu près la moitié de l’Europe, et cela ne doit pas révolter chaque être pensant ? Point du tout, l’égoïsme, la faiblesse est telle qu’on étudie comment s’y plier, adorer l’idole et la souffrir.

« J’avoue que tout ceci me révolte : mais il n’y a pas de remède. Ce serait bien le moment où je désirerais avoir 12 à 20 millions de capital et me retirer avec mes enfans en particulier, chose bien préférable à être roi tributaire. »

Cette lettre troublée, écrite à la hâte comme par saccades, est d’autant plus audacieuse que Gallo avait blâmé la conjuration de Cadoudal et s’était exprimé avec respect et même avec affection au sujet de la personne du nouveau souverain. Quelle confiance fallait-il avoir en Gallo et dans les courriers pour oser écrire ainsi ?

La Reine avait ramassé dans sa fureur contre Bonaparte tout ce que ses ennemis avaient découvert ou inventé contre