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sociales. Le Congrès de Munich, en 1876, entendait un discours du prêtre Ratzinger sur le mammonisine et le Culturkampf, deux frères jumeaux : Ratzinger développait les principes d’une économie politique qui revendiquait contre les prétentions de l’or, — de l’or international, — les droits du travailleur ; l’idéal social qu’il dessinait trouvait des points d’attache dans le vieux passé chrétien de l’Allemagne, dont en ce moment même l’historien Janssen, un autre prêtre, esquissait le glorieux tableau.

Et voici qu’à peine rassemblé, le nouveau Reichstag de 1877 entendait un membre du Centre, le comte Ferdinand de Galen, apporter à la tribune ce qu’aucun parti n’avait encore apporté, un projet complet de législation sociale. Galen accomplissait ce geste comme un acte de dévotion : il choisissait, pour risquer cet éclat, le jour du 19 mars ; ce jour-là, sur les autels, un travailleur de Palestine, Joseph, est honoré comme saint, et même comme patron de l’Eglise universelle. Galen convia le Reichstag à s’occuper enfin de la triste situation économique des travailleurs. Il demanda qu’un certain nombre d’entre eux, librement élus par leurs camarades, fussent consultés par le gouvernement sur le remède. Il souhaita des lois sociales sur le repos du dimanche, sur la réglementation de l’apprentissage, sur la protection des ouvriers de fabrique, sur la limitation des heures de travail pour les femmes et les enfans, sur l’institution de tribunaux d’arbitrage pour le règlement des conflits entre le capital et le travail. Les nationaux-libéraux furent ébahis. « Ce sont des folies, » criait Lasker. — « On croirait entendre des morceaux de chronique du moyen âge, » s’exclamait Wehrenpfennig. Le ministre Hofmann trouvait ce programme très somptueux, mais ajoutait qu’avec la meilleure volonté du monde, il n’y avait rien à en faire. Et M. Bebel, le tribun socialiste, demandait, sur un ton de persiflage, si tant de belles idées remontaient à l’époque théocratique de Grégoire VII, ou bien à l’ère communiste du christianisme primitif. Windthorst répliqua doucement, sans polémique, sans provocation : qu’on fît une enquête parmi les ouvriers, il ne demandait rien de plus. L’adroit stratège les convoquait derrière lui, avec lui, pour interpeller cette Allemagne qu’un tout récent orgueil industriel, succédant à l’orgueil militaire, risquait d’aveugler sur l’existence de beaucoup de détresses. La superbe morgue de l’Allemagne bismarckienne devait entendre la voix des humbles : le