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exigences de Falk : ce qu’il nous faut, disaient-ils, ce n’est pas la révision des lois, c’est leur suppression. Les curiosités s’éveillaient, à la fin d’avril, en apprenant que deux personnages de la cour de Munich, Plistermeister et Bomhardt, étaient à Rome, envoyés par la reine mère, ou même par le roi Louis II, et que peut-être ils y négociaient ; on chuchotait beaucoup, et puis on les oubliait : ils n’avaient sans doute rien demandé pour le roi de Prusse, et certainement n’avaient rien obtenu pour lui. Les polémiques de tribune et de presse n’avaient d’autre effet que d’opposer l’une à l’autre deux intransigeances, qui l’une et l’autre se voulaient invincibles.

Le 14 mai, dans sa retraite, Bismarck sautait sur sa plume pour féliciter quelques bourgeois inoccupés qui, dans la petite ville de Hartzburg, immortalisaient par un monument expiatoire le cuisant souvenir de Canossa. Il leur criait merci, « merci pour cette marque d’entente et d’encouragement dans la lutte contre les empiétemens dont, aujourd’hui encore, la vie allemande était menacée par la suprématie romaine. » Un poète local, tout de suite, se sentait inspiré : « Sur toute la terre d’Allemagne, chantait-il, la bande noire criait : Nous voulons la liberté, nous voulons le droit, pour la race humaine, les femmes surtout. Mais les vents de Berlin soufflent dans les frocs, sur les corbeaux tombe le faucon, et sur le fripon, aussi, sur le fripon par excellence, qui, dans l’armée des prêtres, sert depuis longtemps comme volontaire. » Le faucon, c’était Falk, et le fripon, c’était Windthorst.

Mais là-bas à Rome, en ce même été, survenaient pour le jubilé de Pie IX, pour fêter le Pape qu’on réputait hostile à l’Empire, tous les évêques proscrits, Melchers, Brinkmann, Martin ; ils y retrouvaient Ledochowski : ils y rencontraient Ketteler ; à l’ombre du Vatican, ils tenaient, tous ensemble, une façon de petit concile, pour expédier des ordres à l’Eglise d’Allemagne. En jetant hors de l’Empire plusieurs d’entre eux, on avait décimé leurs réunions annuelles de Fulda ; elles avaient émigré du tombeau de saint Boniface, le Germain, vers le tombeau de saint Pierre, le Romain : c’était là le succès du Culturkampf. De Rome, ils invitaient ceux de leurs prêtres qui recevaient encore quelque traitement de l’Etat, soit à refuser ces sommes, soit à déclarer en chaire et puis à faire savoir au pouvoir civil, qu’ils n’acceptaient pas les lois de Mai.