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Et voici que le ciel met un masque changeant :
On dirait qu’un oiseau fantastique s’éploie,
Que de blondes moissons flambent en feux de joie,
Qu’une invisible main lance un voile de soie
Qui s’enroule et se tord sur des palmes d’argent ;

On dirait qu’un palais fait de marbres fluides
S’embrase, puis se fond dans l’infini houleux,
Qu’un jardin s’est fleuri de lauriers fabuleux,
Que de longs cygnes blancs nagent par des lacs bleus
Où l’aile du caprice a dessiné des rides…

On dirait… on dirait qu’un mauve apaisement
Envahit peu à peu chaque forme précise,
Que dans l’air rafraîchi flotte une brume grise,
Que l’horizon se vêt d’une robe indécise
Dont la traîne de feu disparaît lentement…

Les paillettes de l’eau se meurent une à une ;
Tout est paisible, et doux, et facile, — le soir
Qui rôde va bientôt prendre son ourdissoir
Et tisser un léger, très léger réseau noir
Sous le visage pâle et grave de la lune.



UNE MOSQUÉE

Le Caire, février 1909.


Son nom ? Je ne sais pas… Elle est toute petite,
Adorablement grise et rose, et l’on voudrait
Rêver, longtemps rêver sous son fin minaret
Qui monte éperdument dans du bleu sans limite…

J’entre. Le sanctuaire où filtre un rayon d’or,
Où l’on prie à mi-voix, où l’on glisse en babouches,
Où le vol d’un oiseau pourchasse un vol de mouches,
Pacifique et discret le sanctuaire dort.