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le mariage fut célébré au Mans le 21 août 1843. « Jamais union ne fut plus complète, affection plus vraie et plus solide dévouement plus absolu, plus admirable. » Une longue suite de lettres charmantes échangées entre les époux ou avec leurs amis nous fournit des preuves de ce dévouement qui n’eut que trop vite à s’exercer. Moins d’un an après, l’artiste, condamné par les médecins, dut abandonner Paris, sa situation, ses travaux, et retourner dans le Midi, d’abord à Nice, puis, deux ans de suite, à Pau. Il y retrouve, en 1844, Eugène Delacroix, avec lequel il reprend la vie commune d’études et de causeries des beaux jours. Il ne peut s’installer pour peindre en plein air, mais il s’adonne avec passion, aux joies délicieuses de l’aquarelle et du pastel. « L’huile perfide, cette fois, ne nous jouera plus de ses tours, et l’on n’a plus le droit de faire des tons sales, avec des couleurs si fraîches et si mates. » S’il trouve ce genre bien fait « pour rendre la limpidité, calme et brillante à la fois, des exquises vapeurs de l’Italie, » il comprend bien qu’il serait imprudent de « l’employer à rendre l’âpreté des rochers pyrénéens ou le sévère caractère de la campagne romaine. » A chaque instant, dans ses lettres comme dans ses notes si instructives, éclate cette double préoccupation : savoir employer, pour la réalisation, tous les procédés connus, anciens ou nouveaux, soit en peinture, soit en gravure, mais ne les employer, suivant les circonstances, que pour une appropriation exacte à la nature et au caractère des sujets. Préoccupation indispensable à l’artiste réfléchi, et qui nous explique, à la fois, l’étonnante variété de sa facture, tour à tour si ferme et si souple, si solide et si légère, si sombre et si lumineuse, en même temps que son unité foncière et intense due à la ténacité de l’observateur et du visionnaire qui se sert, suivant l’heure, des moyens les plus propres à rendre sa vision, sans condamner ses impressions diverses à passer dans le laminoir d’une même formule, ni toutes ses toiles à porter la marque uniforme d’une touche brevetée, garantie d’authenticité pour l’amateur et le marchand.

En 1846, Huet se retrouve, l’hiver, à Pau avec Roqueplan et Devéria, malades aussi, et reste l’été aux Eaux-Bonnes. Il ne rentre à Paris qu’en 1847, peu de temps avant la Révolution. En 1848, il passe, en famille, l’été à Bellevue, mais il s’en échappe, durant les journées de Juin, pour se joindre comme « volontaire » à la garde nationale, « bien qu’il en fût exempt. » Le bon peintre, le