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bon époux, le bon père, le bon ami ne devait jamais renoncer à être un bon citoyen.


IV

De 1848 à 1869 Paul Huet, visiblement, subit le contre-coup des événemens politiques. Toujours laborieux, néanmoins, on le voit se déplacer sans cesse, et, suivant les saisons, faire des séjours d’étude, plus ou moins prolongés, tantôt chez des amis, les Des Essarts à Crécy-en-Brie, Ernest Legouvé à Seine-Port, tantôt dans les auberges d’artistes en liberté, à Trouville (avec Troyon), à Granville, pour revoir la mer, à Chailly près Barbizon, et surtout à Fontainebleau, pour revoir la forêt. Dans toutes ces haltes, le soir, après la station en forêt ou sur la plage, après le dîner frugal, on a le temps de rêver et d’écrire aux absens. Huet, prosateur agréable, qui n’a point oublié ses humanités, aime à s’épancher, en interminables causeries, avec sa femme, avec ses amis les peintres Sollier et Legrain, et son confident intime et conseiller indulgent, le président Petit, de Grenoble. On pourrait, de ces lettres, extraire un gros paquet d’anecdotes amusantes faisant suite aux charmans souvenirs de Frédéric Henriet, le Paysagiste aux champs.

Toutes les joies et misères du peintre nomade en plein air ne lui font oublier ni ses amitiés littéraires, ni ses convictions libérales. La mort de Bazin, son parent, l’historien de Louis XIII, lui donne l’occasion d’une correspondance avec Sainte-Beuve. En 1851, au coup d’État du Deux Décembre, il prend part à la résistance avec de Flotte et Hippolyte Carnot. Il faillit, plusieurs fois, être fusillé. « Il ne put jamais, dit son fils, se résigner à taire son sentiment sur le coup d’État et à pardonner à l’Empire ses procédés et ses origines… Plusieurs tentatives furent faites pour le rallier au groupe artistique et littéraire qui trouvait, dans les salons du prince Napoléon et de la princesse Mathilde, un terrain de demi-conciliation… Il refusa toujours, disant que ses convictions politiques ne lui permettaient pas d’accepter et que ses attaches avec la famille d’Orléans, comme professeur de la duchesse, étaient un autre obstacle. » Cette dignité, rigide et fière, son intimité avec les plus illustres opposans, Victor Hugo, Lamartine, Michelet, Eugène Pelletan, malgré la correction silencieuse de son