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politique. On le bannit pour un an à cause de « l’orde et dissolue vie qu’il menait ; » mais grâce à l’intervention de la duchesse de Hainaut (Jacqueline de Bavière ou Marguerite de Bourgogne, douairière de Guillame IV ?) sa peine fut commuée en une amende. Cette fois les commandes s’espacèrent. Pourtant, en 1438, Gampin exécute les importans cartons d’une Vie de saint Pierre, dont la transposition sur toile fut confiée à Henri de Beaumetiel. Puis le silence se fait autour de l’artiste qui meurt le 26 avril 1444. Deux au moins de ses élèves étaient devenus célèbres. L’un, Roger de le Pasture, était allé fonder l’école de Bruxelles ; l’autre, Jacques Daret, allait à son tour quitter Tournai. Momentanément, la vieille cité était veuve de grands peintres.

Jacques ou Jacquelotte Daret devint aussi notoire que son camarade d’atelier Roger de le Pasture, — à en juger d’après les documens, — et nous pouvons bien suivre, à travers diverses mentions, la carrière de ce peintre qui fut un artiste très en vue du XVe siècle néerlandais. Il sortait d’une famille d’ouvriers artistes ; son grand-père était « escrinier » et exécuta des sculptures sur bois pour la ville et les églises ; son père s’intitulait tailleur d’images, c’est-à-dire qu’il sculptait aussi bien la pierre que le bois. Né vers 1403, Jacques Daret passa ses premières années chez son père et son grand-père « où des meubles, des images, des retables, des tabernacles de bois sculpté furent les objets qui éveillèrent sa curiosité[1], » puis entra dans l’atelier de Robert Campin où le premier texte qui le concerne (avril 1418) le dit logé, nourri et « ouvrant de son métier. » Dès lors Jacques vit de son travail. Son père de temps à autre intervient pour liquider quelque dépense extraordinaire. C’est ainsi que Jean Daret rembourse à son fils les frais occasionnés par la cérémonie de la tonsure. Le jeune homme acquit en effet la qualité de clerc, complément ordinaire des professions intellectuelles[2]. Cette qualité impliquait un certain degré d’instruction. Les maîtres d’alors ne se contentaient pas d’être de grands techniciens ; ils connaissaient le latin, l’histoire religieuse et profane. Barthélémy Facius, contemporain de Jean van Eyck, vante l’érudition de l’illustre flamand. Où sont les maîtres d’aujour-

  1. Houtart, op. cit.
  2. « On recevait la tonsure cléricale dans le but, soit de jouir d’un bénéfice ecclésiastique, soit d’échapper aux juridictions laïques. » Houtart, ibid.