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d’hui familiarisés, comme le portraitiste du chanoine van der Paele, avec les « anciens » et notamment avec Pline ?

Entré dans la clergie, Jacques Daret accomplit en 1426 le pèlerinage d’Aix-la-Chapelle, qui prenait quinze jours et ce n’est que l’année suivante qu’il cesse d’être varlet chez Robert Campin pour devenir apprenti chez le même maître. L’appresure, ou apprentissage, dans les corporations artistiques, suivait la période consacrée à l’éducation complète du valet ; l’apprenti était souvent un artiste achevé auquel on n’accordait le titre et l’indépendance du maître que lorsqu’il avait apporté pendant plusieurs années le concours de son talent à celui qui l’avait formé. Les règlemens corporatifs entendaient sans doute interdire efficacement l’ingratitude. Et quand enfin l’apprenti devenait à son tour chef d’atelier, sa maîtrise s’imposait à tous. Le jour où « maistre Jacques Daret, natif de Tournai, fut reçu à la franchise du métier des peintres, » ce jour même, « fut fait ledit Jacques prévôt de Saint-Luc icelui jour au dîner (18 octobre 1432). » L’événement est exceptionnel ; mais, en ces temps de bonne foi, l’éducation professionnelle s’accomplissait de telle sorte que plus d’un apprenti aurait pu être choisi comme prévôt de la Gilde le jour de son accession à la maîtrise.

Jusqu’en 1444, la carrière de Jacques Daret se déroule à Tournai et nous ne connaissons qu’un seul fait se rapportant à lui durant cette période : à la date du 18 mai 1738, il avait un disciple du nom d’Éleuthère Dupret. En 1441, Daret est mandé à Arras pour fournir aux fabriques de tapisseries des cartons représentant des sujets historiques et religieux. Il s’installe dans cette ville, semble-t-il, de 1449 à 1453 ; il y exécute pour l’abbé de Saint-Vaast « ung patron de taille de couleur a destrempre… ouquel est listoire de la Résurrection Nostre Seigneur Jhesu Crist bien pointe et figurée, » patron qui fut traduit en tapisserie de haute lisse ; il fournit au célèbre fondeur Michel de Gand, à Tournai, le dessin d’une lampe destinée à l’église abbatiale de Saint-Vaast et celui d’une croix monumentale pour la place Saint-Vaast ; enfin il dore une colombe, des candélabres, un support appartenant à l’église de la même abbaye. En 1454, il est à Lille et collabore avec ses quatre « varlets » à ces fêtes fameuses du Vœu du Faisan qu’Olivier de la Marche dans ses Mémoires décrit comme « chose très solennelle et qui vaut le ramentevoir. » Seul entre tous les « maistres estrangiers, » Daret reçoit