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LE CHÂTEAU DE LA MOTTE-FEUILLY EN BERRY.

mône, » des « cassoni » italiens, couverts d’applications en pâte blanche, dorée ou décorée de peintures (ce sont là les coffres-blancs « à la mode d’Italie » ), de magnifiques chaises de cérémonie, couvertes de velours, d’une extrême richesse de décoration, tout un mobilier d’église très riche, des crépines d’or (coiffures « pour habiller épousées » destinées au mariage des filles d’honneur de la duchesse), d’autres aumônières, ceintures, gorgerettes, etc., de fil d’or également « pour épousées, » des étuis de toilette, des épingliers de velours cramoisi et de satin, des pantoufles de velours vert couvert d’écarlate, des miroirs ardens dans leurs étuis, des peignes d’ivoire et de bois, des peignoirs de toile de Hollande, des bonnets de nuit en quantité, des chemises de femme de très fine toile, des taies d’oreiller de fine toile de Hollande, des draps ou « lincieulx » de même, des boites pleines de senteur, d’autres boites d’Agnus Dei, une selle de haquenée et tout le harnachement noir « pour feue Madame. »

Je ne parle pas, pour cause, des meubles meublans innombrables, ni du mobilier et des objets garnissant les cuisines, les offices, la paneterie, l’échansonnerie. Cette énumération nous entraînerait beaucoup trop loin. Je note simplement un objet fort étrange à la suite de cette splendide énumération, un objet sur l’histoire duquel je reviendrai et que l’Inventaire désigne comme suit : « un cep à mettre prisonniers en la haute chambre de la grosse tour. »

À partir de son deuil, Charlotte d’Albret ne revit probablement plus toutes ces somptuosités enfermées dans des pièces où elle ne pénétrait jamais. Probablement aussi, après la mort de sa sainte et royale amie de Bourges, elle ne fit plus dans cette ville que de rares apparitions. Sa vie, toute de bonnes œuvres, de pratiques de dévotion, de lectures pieuses et de macérations, dut être infiniment monotone en ce lieu retiré. Sa fille était le seul point lumineux de cette douloureuse existence. Les malheureux y tenaient aussi une grande place. J’ai parlé déjà, des visites de sa charité. L’Inventaire nomme, entre autres meubles, le « coffre contenant le pain des pauvres. » Charlotte d’Albret s’occupait aussi avec soin de la direction de son importante fortune et de l’administration des grands biens que son mari possédait, on France. En 1509, deux ans après la mort de César, on la voit encore acquérir de haute et puissante princesse Marie