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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/373

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terminé, ou si, à la place de cela, vous lui donnez le poste de gouverneur général en Poméranie, tout en lui conservant sa pension, son régiment, ses fonctions de premier gentilhomme de la Chambre, alors Votre Altesse Royale pourra prétendre à mon amitié que je lui garderai pendant toute ma vie. Mais si Elle l’envoie en exil ou qu’Elle lui donne le poste en Italie, je vous dirai adieu à tout jamais. Je le rejoindrai, fût-il au bout du monde, et, malgré toute votre haine, vous ne réussirez pas à le rendre complètement malheureux, tant que je partagerai sa vie, et, au lieu de gagner mon amitié, vous gagnerez tout le contraire.

« La foudre n’aurait pu briser un mortel au point où il l’était après mon explication. Il fondit en larmes, me prit deux mains et m’adjura d’avoir pitié de l’état dans lequel il se trouvait ; il me dit qu’il me laissait entièrement le soin de décider sur ton sort comme bon me semblerait. Quant à lui, il ne pouvait que penser à cette chose terrible : ne plus jamais me voir. Il promit de ne plus me parler pourvu que ses yeux pussent me regarder.

« Il était dans un tel état de surexcitation que je compris que je ne pourrais lui tirer une réponse sensée et que j’étais obligée d’attendre un moment plus calme. Je l’engageai à gagner ses appartemens pour reprendre ses sens, ce qu’il fit aussitôt. Un moment après, il revint, à peu près dans te même état. Il me dit que, puisque j’avais fait son malheur, il jetterait le royaume et la tutelle au diable, et qu’il voudrait que tu reviennes, car, ainsi, je n’aurais pas de raisons pour le haïr. »

Après l’entretien que nous venons de reproduire, Madeleine avait résolu d’aller passer quelque temps à la campagne. Avant de partir, elle écrivit au Régent une lettre non moins fière que le langage qu’elle lui avait tenu. Elle exigeait, en ce qui touchait Armfeldt, une réponse franche et définitive. Elle ne put l’obtenir et ne fut fixée qu’en apprenant que le comte Ruuth était nommé gouverneur général de la Poméranie et Armfeldt, ministre de Suède en Italie.

Dans l’explication verbale qu’elle provoqua, le prince essaya de se justifier en prétendant que ses conseillers lui avaient forcé la main ; mais il donna sa parole d’honneur qu’Armfeldt resterait libre, s’il ne voulait pas accepter le poste d’Italie, de conserver les fonctions qu’il occupait en Suède. Celle déclaration fut encore