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langage avait sans doute le défaut de révéler d’étranges illusions, mais il était d’une belle franchise et, le principe admis, d’une logique irréfutable. M. Jaurès propose tout autre chose maintenant. On dit que le Sultan a en lui une confiance particulière qui nous parait bien justifiée. Le Sultan, quand il nous a appelés à Fez, avait conçu lui aussi une association dans laquelle nous aurions fait ses affaires avec un désintéressement parfait ; nous aurions été simplement son bras droit, et c’est parce qu’il a vu que les choses ne tournaient pas tout à fait ainsi qu’il a parlé d’abdiquer.

Puisque M. Jaurès et le Sultan se comprennent si bien, nous les laissons à leur entente. Quant à la France, à tort ou à raison, elle a contracté au Maroc des obligations qu’elle doit remplir, des charges qu’elle doit supporter et, pour cela, elle a besoin des moyens que lui donne le protectorat. Rien de plus, rien de moins ; elle ne demande pas autre chose ; elle ne poursuit pas la conquête ; elle a su borner ses prétentions et elle saura y conformer son action. Mais, même ainsi réduite, la tâche est lourde, et nous ne sommes pas surpris qu’à l’épreuve, on commence à en sentir le poids.


Les échos, en ce moment encore, retentissent des coups de canon tout pacifiques qui ont été tirés à Port-Baltique pour célébrer la rencontre des deux empereurs du Nord, de l’empereur Nicolas et de l’empereur Guillaume. Les rencontres de ce genre ne sont pas une nouveauté ; elles ont été fréquentes et, toutes les fois qu’elles ont eu lieu, elles ont provoqué des commentaires à l’infini ; les journaux en ont ou exagéré ou atténué l’importance suivant les intérêts de leurs pays respectifs et les influences du moment ; mais il est permis de dire qu’elles n’ont jamais eu de grandes conséquences et il en sera sans doute cette fois-ci comme les précédentes.

Non pas que ces visites soient indifférentes en elles-mêmes ; elles ont eu dans plus d’un cas des effets heureux ; mais si elles ont servi à dissiper quelques nuages et à éclaircir quelques questions, elles n’ont jamais modifié ni la politique générale, ni l’altitude des diverses puissances relativement à cette politique, ni les conventions ou traités qu’elles ont faits, ni les groupemens dans lesquels elles sont entrées. Les notes officielles ou officieuses s’accordent à dire qu’il en sera aujourd’hui comme hier. On a causé à Port-Baltique des différentes questions actuellement posées en Europe ; on a sans doute échangé des vues ; on n’a certainement rien conclu et le train du monde sera le lendemain de la visite ce qu’il était la veille. Les gouvernemens