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bonheur et certainement d’exactitude, les sentimens de son gouvernement et de son pays. M. Tittoni a publié tout récemment, dans un recueil très précieux et très instructif, les discours qu’il a prononcés pendant qu’il était ministre des Affaires étrangères. Ces discours peuvent être lus ou relus avec la même satisfaction des deux côtés de la frontière, car on n’y trouve nulle part renonciation ou la défense d’un intérêt italien qui ne puisse s’accorder avec un intérêt français : et cette lecture aide à se bien connaître mutuellement, ce qui est toujours un avantage. La fête de la Sorbonne est un incident sans importance politique : elle n’a été qu’une occasion d’échanger l’expression de sympathies sincères et cet échange ne pouvait mieux se faire qu’avec le souvenir d’un grand homme qui a vécu en Italie et qui est venu mourir en France, c’est-à-dire par l’évocation d’un artiste admirable et d’un génie qu’on a pu qualifier d’universel.

Les conversations de Port-Baltique ont naturellement porté sur d’autres sujets, d’un intérêt non pas plus grand, mais plus actuel et plus pressant. Un communiqué concerté, russe et allemand, a fait savoir au monde en termes explicites que ces conversations « ont porté sur toutes les questions du jour. » On a donc parlé, et comment aurait-il pu en être autrement ? de la guerre qui se poursuit toujours entre la Porte et l’Italie. Quand en verrons-nous la fin ? Y a-t-il quelque moyen de la hâter ? Ce moyen a-t-il été envisagé et précisé ? Comme nous l’avons dit plus haut, s’il l’a été à Port-Baltique, il est probable qu’il l’avait déjà été avant et ailleurs ; mais la conversation des deux empereurs a pu aider à préparer une solution, si on en a aperçu une, et si on s’est mis d’accord pour la faire aboutir. Quant à nous, public, nous ne pouvons juger que sur les apparences, et les apparences n’indiquent malheureusement pas encore une solution aussi prochaine qu’elle est désirable. L’Italie voyant que, pendant la saison d’été, elle ne pouvait rien faire dans la Tripolitaine et que, plus que jamais, elle était obligée d’y stopper, a tourné son effort d’un autre côté, elle s’est emparée des Sporades. Si elle a cru par là faire capituler la Porte, elle n’y a pas réussi : la Porte est restée immobile, indifférente en apparence, résolue à ne pas céder. Ces îles, en somme, ont une population grecque et chrétienne, tandis que la Tripolitaine est habitée par une population arabe et musulmane : on aime mieux à Constantinople, s’il faut perdre quelque chose, perdre les premières que la seconde. Au surplus, on y pense que l’occupation des Iles méditerranéennes soulève des questions qui ne sont pas seulement ottomanes et dont l’Europe tout entière aura à s’occuper un jour. Et c’est