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au dispositif, entre deux articles dont l’un prescrivait la formation d’un musée de peinture à Madrid et l’autre réservait la décoration des deux palais des Cortès et du Sénat, on en avait glissé un troisième, ordonnant en outre la formation d’une collection « générale » des grands peintres espagnols, « afin que Nous puissions l’offrir à Notre auguste frère l’empereur des Français et lui manifester Notre désir de la voir placée dans l’une des salles du Musée Napoléon. »

En transmettant cette nouvelle, l’ambassadeur La Forest y joignait la liste des 46 toiles destinées au Louvre : mais la remise du cadeau plus ou moins spontané se fit singulièrement attendre. Avec l’évidente intention d’inspirer des regrets au roi Joseph, on avait compris dans la liste un certain nombre des toiles qui décoraient ses propres appartemens : quand il en fut averti, il ne déguisa point son mécontentement, et ordonna qu’on lui soumit d’autres propositions. De là des retards considérables, si bien que Denon, perdant confiance et patience, écrivait, comme si l’affaire était manquée : « Il a été longtemps question d’un choix de tableaux des peintres de l’école espagnole que Sa Majesté le roi d’Espagne devait envoyer à Sa Majesté l’Empereur. » Lorsque enfin, après une attente de trois ans et demi, le convoi fut arrivé à Paris, le déballage provoqua une très vive déception : « Il se trouve tout au plus six tableaux qui pourront entrer dans le Musée Napoléon, et l’on peut s’apercevoir facilement par ce choix combien Sa Majesté le roi d’Espagne a été trompée par les personnes qu’Elle avait chargées du soin de les désigner. »

D’autres envois d’Espagne compensèrent la médiocrité de l’hommage fraternel. Au printemps de 1813, Soult offrit quatre tableaux au Musée, peut-être pour désarmer les censures importunes et prévenir les recherches indiscrètes. Surtout, la « Commission impériale des séquestres et indemnités en Espagne » expédia à Paris un lot de 230 tableaux « choisis tant par vous, lors du voyage que vous avez fait à Madrid, » écrivait-on à Denon, « que par les membres de la commission dans les galeries des hôtels appartenant au domaine extraordinaire de Madrid. » C’était l’application, au préjudice des grands d’Espagne fidèles à Ferdinand VII, de ce droit de conquête que Denon avait regretté de ne pouvoir invoquer en 1808 et 1809. Le directeur charmé déclarait que, sur les 250 tableaux, tous estimables, deux étaient