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manière générale, dans toutes ces opérations d’argent auxquelles nous font assister les textes de l’époque impériale, que la femme cherche à s’enrichir aux dépens de son mari, ou, de concert avec lui, aux dépens d’autres personnes, ou bien qu’elle veuille vivre sous sa tutelle bénévole, qu’elle lui soit une adversaire, une complice ou une honnête associée, elle en demeure toujours indépendante. C’est une puissance autonome, qui a ses prérogatives, qui peut en user bien ou mal, qui peut aussi en abdiquer l’exercice, mais qui ne cesse pas de les posséder.


III

Dans la famille, donc, comme personne et comme propriétaire, la femme romaine est parvenue à s’assurer autant de liberté qu’elle en avait eu peu tout d’abord. En a-t-il été de même dans l’Etat ? Les femmes ont-elles jamais réussi à y jouer un rôle actif ? Leurs droits politiques se sont-ils développés en même temps et de la même façon que leurs droits civils ? C’est ici, plus peut-être que partout ailleurs, qu’il faut distinguer avec soin entre l’apparence et la réalité, entre la théorie et les faits.

Officiellement, les femmes n’ont jamais exercé d’autorité légale dans le gouvernement des allaires publiques. Pour les premiers temps de Rome, la légende ne les montre jamais placées à la tête de l’Etat, et la légende est précieuse à consulter, car, outre qu’elle renferme parfois des souvenirs historiques plus ou moins déformés, elle est historique encore en ce sens qu’elle reflète les conceptions morales et sociales de l’époque où elle s’est élaborée. Si les traditions fabuleuses sur les siècles primitifs ne connaissent pas de femme qui ait gouverné, il est permis de conclure que, pendant la période où ces traditions ont pris leur forme définitive, on regardait les femmes comme naturellement exclues du gouvernement. La chose n’a d’ailleurs rien qui doive surprendre. La famille romaine étant sous la domination exclusive du père, l’Etat, qui n’est qu’une agglomération de familles, doit également être dirigé par le sexe fort. Le même phénomène s’observe dans le monde grec, si fortement apparenté au monde latin. On a récemment constaté que les villes helléniques où les inscriptions nous font