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V

Ce qui est vrai de l’activité professionnelle ou économique de la femme à Rome l’est peut-être encore davantage de son activité intellectuelle. Là non plus il n’y a point de fossé creusé entre les deux sexes, point de rempart protecteur derrière lequel l’égoïsme masculin puisse mettre à l’abri ce qu’il croit son bien exclusif. Aucune institution, — on pourrait même presque dire aucun préjugé, — ne tient les femmes à l’écart de ce qui constitue la vie de l’esprit.

L’éducation, notamment, ne met nulle différence entre elles et les hommes, du moins à partir du moment où il commence à y avoir « éducation » véritable et complète, formation de l’intelligence en même temps que du corps ou du caractère. Auparavant, dans les siècles primitifs, il est bien probable que l’enfance des garçons et des filles n’était pas remplie des mêmes occupations : ici, la lutte, l’équitation, les jeux violens, l’apprentissage de la guerre ; là, les travaux manuels et la tenue de la maison. Mais dès que l’on songe à cultiver l’esprit, à donner quelques connaissances positives, l’instruction est conçue de la même manière pour les deux sexes. Dans les familles riches, les filles reçoivent comme les garçons, et souvent avec eux, les leçons d’un précepteur, — le plus communément un affranchi grec. Dans les classes moins fortunées, elles vont à la même école que leurs frères ; elles ont le même maître, et le poète Martial nous dit qu’elles s’accordent fort bien avec leurs petits camarades dans la haine du commun tyran scolaire, invisum pueris virginibusque caput. Rien ne nous autorise à supposer qu’il y ait eu des écoles spécialement réservées aux jeunes filles : en tout cas, s’il y en avait eu, on y aurait enseigné la même chose que dans les autres, c’est-à-dire la lecture, l’écriture, le calcul, la connaissance des auteurs grecs et latins, et, à propos de ces auteurs, un peu d’histoire, de géographie et de sciences. Cette fois, la Rome ancienne devance de beaucoup les sociétés actuelles : sans fracas, sans théorie ambitieuse, elle nous montre réalisé ce qui n’est encore que réclamé parmi nous par une minorité, la coéducation des sexes et l’identité des programmes.

Ceci s’applique à ce que nous nommerions aujourd’hui