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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/827

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l’étranger. On en eut une preuve, grâce à Piranesi, au moment où Armfeldt quittait Florence [tour se rendre à Naples.

Quelques semaines auparavant, en vue de l’histoire du règne de Gustave III, qu’il se proposait d’écrire, il avait rédigé et fait imprimer un prospectus annonçant cet ouvrage et en expliquant l’objet. Avant de lancer ce prospectus dans le public, il en avait envoyé un exemplaire à l’impératrice Catherine en sollicitant son patronage et un autre à un prélat romain, Mgr de Bernis, neveu du cardinal. Piranesi, toujours aux aguets, s’en procura une copie dans l’entourage de ce prélat et l’expédia à Stockholm. Ç’en était assez pour mettre le feu aux poudres et pour faire éclater la sourde colère que le Régent et Reuterholm contenaient depuis longtemps. Parleur ordre, le grand chancelier Sparre écrivit à Armfeldt une lettre où, pour la première fois, était exprimée sans réticence l’irritation que provoquait sa conduite. Après avoir blâmé sévèrement l’attitude affectée par lui depuis son départ de Stockholm, on incriminait le prospectus et le livre qu’il annonçait. « C’est un événement unique dans l’histoire qu’un tel ouvrage ail pu être écrit par un ministre suédois accrédité dans plusieurs cours. » Armfeldt était mis en demeure de détruire tous les exemplaires manuscrits ou imprimés, sous peine d’être révoqué.

Cette missive furibonde lui fut remise par Lagersvard à son passage à Rome où il s’était arrêté en allant de Florence à Naples. En lui communiquant cet ordre écrit, Lagersvard lui en transmit un verbal : Défense lui était faite de résider à Naples. Il devrait en repartir aussitôt après avoir présenté ses lettres officielles et choisir une autre résidence ; on lui désignait la ville de Gênes comme celle où son gouvernement préférait le voir s’établir. Il semble bien qu’à ce moment Armfeldt ait résolu d’abandonner ses fonctions diplomatiques.

« Je suis trop agité pour répondre au grand chancelier, mandait-il à Mlle de Rudenschold ; mais, de Naples, je te ferai connaître ma décision et le même courrier portera ma réponse. Dès maintenant, je suis résolu à n’être qu’un sujet attaché à mon Roi, à la monarchie et à ses bases, à l’honneur et à la gloire, et par conséquent un sujet tel que les régens devraient en désirer. Ils croient m’effrayer par leurs menaces et m’humilier en me privant de tout. Mais qui a vaillamment affronté la mort ne craint pas les menaces injustes, et qui n’a jamais