Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/867

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la natalité décroit d’une manière inquiétante. En temps de guerre, elles permettraient d’embarquer nos régimens de tirailleurs algériens pour renforcer les troupes d’opérations. L’armée noire préviendrait un soulèvement qui serait, s’il se produisait, infiniment plus terrible qu’en 1871. Au moment de la guerre contre l’Allemagne, nous n’avions que les trois provinces d’Alger, d’Oran et de Constantine. Aujourd’hui, nous possédons, en plus, les régions sahariennes, la Tunisie, le Maroc. Une insurrection musulmane, dans des circonstances difficiles, sonnerait le glas de notre immense empire africain. Quelques auteurs sont allés plus loin encore. Pourquoi n’utiliserait-on pas des divisions noires en France, dans le cas d’une conflagration européenne ?

Nous ne croyons pas que la suppression, en temps de paix, des garnisons françaises d’Algérie serait une bonne mesure. Il faudra toujours prévoir le cas de soulèvemens locaux, peu graves en vérité quand l’autorité dispose des moyens de répression nécessaires. Si l’Arabe est peu suspect d’affection pour le Roumi, de tout temps il a méprisé le nègre. Des bataillons noirs exaspéreraient la résistance des révoltés, la rendraient plus acharnée, plus longue à vaincre, tandis que l’arrivée des zouaves et des chasseurs d’Afrique suffit toujours à déconcerter les agitateurs. Les événemens récens de Tunisie l’ont bien fait voir, une fois de plus. En temps de guerre, les Sénégalais aideraient les troupes françaises à garder les populations algériennes dans l’obéissance, mais ils ne remplaceraient pas le contingent européen. Quant à l’hypothèse qui consiste à transporter des bataillons noirs dans la métropole, elle est tout simplement irréalisable. La guerre future éclatera certainement à l’improviste, sans avertissement préalable de nos voisins ; elle se prolongera sans doute pendant l’hiver et je ne vois pas bien comment on pourrait amener en temps utile des régimens sénégalais pour les conduire à la frontière. Nos mercenaires abandonneraient-ils leurs femmes et leurs enfans ? Résisteraient-ils aux tourmentes de neige, au froid intense, à la privation de nourriture ? Je ne mets en doute, pour les avoir éprouvés au Soudan, ni leur courage au feu ni leur sang-froid ; mais, dans l’état actuel de leur instruction et de leur mentalité, peut-on se porter garant de leur attitude sous les rafales de projectiles tirés par un ennemi qu’on ne voit pas toujours ? Si l’on arrivait à maintenir intacte,