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de régler toutes les espèces : c’était un simple jeu pour un doctrinaire de sa force. On sait aussi qu’une fois les formules trouvées, son talent merveilleux leur communiquait aussitôt une apparence d’implacable nécessité. Ajoutez encore sa situation prépondérante dans le ministère où il tenait d’un consentement tacite le rôle d’un président virtuel, et vous comprendrez sans peine que le débat colonial de janvier 1843 dût forcément tourner à son avantage. De fait, nous savons que ce fut son influence qui dicta au Conseil les résolutions arrêtées : une décision de principe, d’abord, puis des décisions de détail qui en faisaient application immédiate aux cas spéciaux de Mayotte et de Madagascar. Dans les quelques pièces qui la mentionnent, la résolution de principe se trouve toujours formulée à peu près en ces termes : renonciation à toute conquête de vastes territoires ; en revanche, maintien ou développement d’un nombre suffisant d’établissemens maritimes pouvant fournir à nos vaisseaux les points de relâche dont ils avaient besoin. De cette façon on éviterait les entreprises pour lesquelles la France était supposée manquer d’aptitudes et de moyens : on ferait cependant quelque chose, ce qui donnerait une satisfaction aux ambitieux, et on le ferait partout à la fois, ce qui contribuerait à maintenir partout le fameux équilibre. C’était, on le voit, l’aboutissement logique des considérations que je me suis efforcé de résumer : on voit aussi comment de tels principes s’appliquaient au cas particulier qui était la cause de tout le débat. Le Conseil décida donc l’occupation immédiate de Mayotte puisqu’elle pouvait s’effectuer sans grands efforts ni risques, mais en spécifiant bien qu’elle n’aurait d’autre but que d’assurer à notre marine un refuge dans la mer des Indes, car toute visée d’installation à Madagascar devait être entièrement abandonnée.

Ces résolutions arrêtées, il importait d’en poursuivre l’application pratique, seule capable de leur donner une réelle portée et d’affirmer du même coup l’avènement d’une politique véritable et nouvelle. Il fallait, en d’autres termes, exécuter strictement les décisions prises au sujet de Mayotte et de Madagascar, puis, orienter et coordonner nos efforts conformément aux vues qui avaient prévalu. Les deux choses se firent, mais non sans délais ni péripéties qui ouvrent des jours assez piquans sur nos mœurs administratives, tout au moins de ce temps-là.