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sa pureté primitive et telle qu’elle était née dans l’Inde du Nord. Il en fut de même de l’art qu’elle inspira. Dès leur entrée en Chine par le Pélou et le Nanlou, — la pentapole et l’hexapole, — les deux grandes voies naturelles d’accès du Turkestan conquises par les généraux Han de l’an 120 avant J.-C, à l’an 92 de notre ère, les croyances et les idées artistiques issues du Gandhâra indo-grec se heurtèrent à une civilisation déjà vieille de plusieurs siècles. Cette dernière, si l’on en croit certaines particularités du décor des bas-reliefs et des poteries Han (par exemple la représentation des animaux à l’allure du galop allongé), s’était elle-même trouvée influencée par de lointains apports de provenance grecque mycénienne (XIIe siècle avant notre ère), venus par la voie scythe. Pour subsister, les élémens nouveaux durent peu à peu se transformer dans ces régions du Nord-Ouest de la Chine aux frontières vagues et aux populations multiples où chrétiens, nestoriens et bouddhistes devaient bientôt voisiner. L’examen des fresques et des statues des stûpas et des cryptes en ruines, du Turkestan chinois qui jalonnent la marche glorieuse de l’art nouveau à travers l’Asie centrale, — et qui ont été si heureusement fouillées durant ces dernières années par les missions Bonin, Stein, Von Lecoq, Chavannes, Pelliot, Chùta Ito, — prouve qu’à mesure qu’on s’éloigne de l’Inde, les types rendus se modifient et deviennent de plus en plus chinois. Il faut d’ailleurs voir là une question d’époque. C’est ainsi que, durant la première moitié de l’époque Wei du Nord (398-493), les œuvres découvertes ne montrent que les caractères classiques du Gandhâra (caves de Yün-kiang, par exemple). En revanche, avec la fin de la période Wei (493-549), on assiste à la fusion du courant gandhârien tout imprégné de la grandeur élégante et de la souplesse de l’art grec et des traditions autochtones tendant davantage à la stylisation et à la recherche prédominante de l’effet décoratif (caves de Lung-men, près de Loyang). L’iconographie bouddhique s’est déjà modifiée : les attributs des divinités ont été changés et les attitudes se sont hiératisées.

La traversée de la Corée parait avoir eu une tout autre influence sur l’art religieux. Les divinités de second ordre principalement, moins éloignées de l’humanité que les Bouddhas et les Bodhisattvas, y ont sans doute pris une allure moins hautaine, une bonhomie souriante et naïve non exempte de grâce. Et ce sont toutes ces influences diverses que nous retrouvons dans les