grâce aux gens de sa sorte que notre pays ne croulera pas de sitôt dans la fange définitive que nous préparent les « gigolos » de ton espèce.
Le visage de Gabriel Baroney, si calme d’ordinaire, était pourpre. Les yeux eux-mêmes étaient injectés de sang. Maxime au contraire reprenait possession de ses moyens. Il songea soudain à la fameuse scène de Musset et, prenant le ton ironique et l’air impertinent de Le Bargy, il s’écria, les mains tendues :
— Mon oncle Van Buck, vous allez vous mettre en colère…
C’était si imprévu, si blessant et si niais tout à la fois que Gabriel Baroney laissa tomber ses mains de découragement. Il n’y avait rien à tirer de cet insolent, de ce grimacier ! Cependant il ne voulait pas encore abandonner la partie :
— Je dois t’avertir, pour ta gouverne, prononça-t-il, épuisé, que le père Bourin n’est pas homme à se laisser jouer.
— Qui vous dit, mon oncle, que je veuille me moquer de lui et de sa fille ?
Gabriel était abasourdi. Avec sa loyauté coutumière, il se refusa à suspecter la sincérité de Maxime. Son visage s’éclaira d’un espoir et il s’écria :
— Tu épouserais Marthe ?
— Pourquoi pas ? répondit son neveu, impassible. Si elle est troublée, c’est qu’elle m’aime, et c’est le principal.
— Ta main, Maxime. Si tu fais cela, je te rends toute mon estime !
Maxime tendit une main un peu molle, — il fallait bien encore jouer la comédie de l’indifférence, — que son oncle serra de toutes ses forces.
— Vous ne m’avez pas laissé le temps de m’expliquer, commenta Maxime.
Cependant, ils n’avaient plus rien à se dire et ils se séparèrent bientôt.
Gabriel Baroney remonta à Filaine par le plus long chemin. Le résultat de sa triple ambassade n’était guère satisfaisant au point de vue d’Étienne. Sans doute, son fils n’était point homme à se livrer à des excentricités. Il supporterait vaillamment sa mauvaise fortune. Mais il n’en souffrirait que plus. Et puis vraiment, c’était injuste…
Et Gabriel Baroney marchait, le front bas, par le petit chemin à ornières et par les larges « traînes » herbues. Il ne regardait