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nous y sommes allés de même. Il n’y a pas lieu toutefois d’en éprouver les mêmes regrets. Depuis notre traité avec l’Allemagne, nous avons pris à charge le Maroc tout entier : s’il nous est permis d’agir progressivement dans l’occupation du pays, celle de Marakech s’imposait à nous dans un temps assez restreint, plus restreint que le gouvernement ne semblait le croire. Marakech est la seconde capitale du Maroc ; nous ne pouvions pas le laisser tomber entre les mains d’El Hiba et l’y abandonner. Un tel abandon aurait été un aveu d’impuissance, qui aurait singulièrement enflé l’audace de l’ennemi. Le Maroc aurait été coupé en deux, et tout le midi nous aurait échappé : nous l’aurions sans doute occupé plus tard, mais avec quel surcroît d’efforts ! Conduits à Marakech par la force des choses, nous devons y rester, et il y a lieu de prévoir que cela nous coûtera assez cher, parce qu’une partie de nos forces y sera occupée et immobilisée. Ici encore, la même question se pose : ces forces sont-elles suffisantes ? Et la même réponse s’impose, à savoir qu’elles ne le sont pas. Nous avions déjà de la peine à faire face à toutes nos obligations avant d’avoir Marakech à garder : nous en aurons davantage après. Gardons-le néanmoins puisque nous l’avons pris, mais sans aller plus loin de ce côté : nous aurons assez à faire pour assurer solidement la communication de Marakech avec la Chaouïa et pour continuer notre œuvre de pacilication vers le Nord et le Nord-Est. C’est en ce sens que la politique qu’avait choisie et fixée le gouvernement doit être reprise.

Faut-il répéter qu’elle doit l’être… autant que possible ? La nouvelle leçon de choses que nous venons de recevoir montre qu’on ne peut pas pousser plus loin l’affirmation. Qui sait si demain de nouvelles hordes barbares et fanatiques ne nous forceront pas de venir les combattre sur un autre point ? En tout cas, nous pouvons être fiers de la vaillance de nos soldats et de l’esprit de décision, de l’intelligence rapide et sûre, de l’énergie de nos officiers. La marche sur Marakech, ordonnée par le général Lyautey qui a saisi au vol, en quelque sorte, la meilleure occasion de l’ordonner, fait le plus grand honneur au colonel Mangin qui l’a si bien exécutée.


La visite que l’empereur Guillaume vient de faire à la Suisse a fait couler beaucoup d’encre, plus peut-être que l’événement ne le comporte, non qu’il soit négligeable, mais parce qu’il ne paraît pas destiné à avoir des conséquences très importantes. Il y a deux ans, M. le Président de la République est allé, lui aussi, faire une visite officielle à la Suisse ; il y a été reçu avec un grand empressement comme l’a été à