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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 12.djvu/37

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toute la partie de la succession de Bavière que je possède actuellement ; 2° à renoncer même à tous droits et prétentions à cet égard[1]. »

La tâche, en de telles conditions, devenait plus aisée pour les médiatrices, la France et la Russie. Les négociations étaient menées avec activité. En mars 1779, il s’ouvrait, à Breslau d’abord, et ensuite à Teschen, un congrès des puissances, où se réunissaient tous les intéressés. Dès le 13 mai suivant, un traité en due forme rétablissait la paix européenne, en remettant toutes choses au même état qu’avant l’incartade de Joseph, sauf une mince bande de territoire que l’on concédait à l’Empire, comme fiche de consolation.


C’est à ce maigre résultat qu’aboutissait toute une année d’agitations, d’armemens, de démonstrations militaires. On ne saurait dire cependant que cette affaire manquée fut une affaire sans suites. A l’extérieur, l’alliance avec l’Empire recevait une profonde atteinte. Officiellement, sans doute, on se congratulait, on louait les éminens services rendus par les médiateurs ; le Cabinet de Vienne adressait des remerciemens à celui de Versailles. Mais il restait une vive rancune contre ce que l’on appelait, en Autriche, un inqualifiable abandon. Les dépêches de Kaunitz[2]font foi de cet état d’esprit : « Nous avons eu sujet d’être très mécontens de la conduite de notre alliée, écrit-il à Mercy, et surtout de la mauvaise volonté qui en a toujours été et en est encore le principe… Ce qu’il y a de pis, c’est que cette conduite met dans tout son jour les intentions de la France

  1. Lettre du 25 novembre 1778. — Correspondance publiée pur Flammermont.
  2. Correspondance publiée par Flammermont, année 1779. — Le journal de l’abbé de Véri contient une lettre de la princesse de Kaunitz, femme du premier ministre de l’Empire, adressée à l’auteur du journal, où l’on trouve l’expression de ces mêmes sentimens, avec quelques détails en plus : « Je vois, dit-elle, un nuage se former entre vous et nous. Les esprits s’écartent, on ne s’entend pas, on ne s’aime pas, on se méfie les uns des autres. Votre ambassadeur ici n’est pas aimé, et l’Empereur surtout s’en mêle. Ajoutez à cela que notre nation n’est nullement portée pour la vôtre. Cette paix, à laquelle la France a tant de part, achève d’indisposer contre vous. Il s’établit un commencement de haine, qui, j’en ai peur, éclatera quelque jour, pour le malheur des deux peuples… Ce n’est pas l’Empereur qui est le plus indigné de la paix, ce sont les citoyens. Notre peuple de Vienne en est presque furieux et dit : Nous ne voulions ni agrandissement, ni conquête, mais le roi de Prusse ne doit pas nous donner la loi ! C’était le moment de lui faire reprendre le rang qui lui convient et de le placer au second, qui a toujours été le sien. Et la mauvaise volonté de la France nous prive de ce bien ! »