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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 12.djvu/724

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réglées que conjointement avec les autres questions soulevées par les événemens des Balkans. » Voilà qui est bien et qui nous rassure plus que tout le reste. Si aucune puissance ne se prononce d’avance sur une question particulière, si toutes les questions sont réservées jusqu’au moment du règlement général, on évitera les improvisations hâtives, les entraînemens unilatéraux, les à-coups qui pourraient résulter de ces mouvemens d’opinion dont nous avons signalé le danger d’autant plus grand que les gouvernemens n’y résistent pas toujours. Cette politique d’attente, on la connaît : M. Asquith et M. Poincaré l’ont définie dans des discours dont nous avons loué il y a quinze jours la sagesse. C’était la leur, mais rien ne nous prouvait que ce fût aussi celle de la Triple-Alliance, et nous avions laissé percer quelque inquiétude en constatant qu’à la suite de la demande adressée à toutes les puissances de faire profession d’un désintéressement territorial absolu, l’Europe s’était partagée en deux groupes distincts. Le danger créé par cette attitude sera conjuré, autant qu’il peut l’être, si tout le monde est d’accord pour ne se prononcer sur aucune question particulière. Le communiqué allemand assure qu’on l’est, et nous voulons le croire, tant nous le désirons.

Mais, dira-t-on peut-être, réserver les questions ce n’est pas les résoudre ; la sécurité qui en résulte est toute provisoire ; les oppositions subsistent et le péril, pour être différé, n’est pas dissipé. Sans doute. Nous devons même avouer que la note allemande a éveillé quelques susceptibilités et provoqué quelques contradictions à Vienne. Il n’est que trop certain que nous vivons au jour le jour, le lendemain est souvent en contradiction avec la veille et, à la suite de la grande surprise causée par le dénouement de la guerre, les esprits n’ont pas encore retrouvé leur assiette. Mais c’est précisément pour ce motif que le mieux est de s’abstenir de toute initiative prématurée et isolée. L’accord entre les puissances montre que chacune se défie un peu d’elle-même et conserve quelque confiance dans les autres. Au milieu de tout cela, on n’aperçoit aucune grande politique, et il semble bien qu’il n’y en ait nulle part ; mais on croit reconnaître de la prudence et de la bonne volonté. C’est l’impression que la note allemande a voulu donner ; elle est rassurante ; nous en avions besoin, il n’y faut pas résister.


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
Francis Charmes.