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domaines. Si les greniers d’abondance où Joseph entassait les excédens des bonnes récoltes égyptiennes, en prévision des vaches maigres, ne sont pas à la portée de chacun de nous, nous pouvons cependant, dans une certaine mesure, arranger notre vie, nos dépenses, notre budget en tenant compte de ces probabilités. Bien mieux encore qu’un particulier, les grandes sociétés financières et industrielles sont en mesure de diriger leur activité en raison des événemens dont elles doivent, longtemps à l’avance, prévoir la succession. Un raisonnement serré, une observation attentive a pu, dès l’hiver de 1911, les avertir de ce qui les attendait à l’automne. Si l’étude d’une crise et la comparaison avec celle qui l’a précédée peuvent avoir quelque utilité, c’est précisément en vue de l’avenir. A méditer les leçons de ces événemens encore présens à toutes les mémoires, à conserver devant les yeux le souvenir des surprises qui se sont produites, des embarras au milieu desquels les marchés financiers se sont débattus, les conducteurs des grandes entreprises, dans lesquelles se concentrent de nos jours les capitaux et les forces productives de l’industrie, gagneront une sûreté de vues singulière. Bien que l’histoire ne se répète jamais en restant exactement semblable à ce qu’elle a été, et que des phénomènes nouveaux apparaissent, qui modifient l’aspect des choses, les mêmes grandes lois gouvernent toujours l’ensemble des évolutions. Des observateurs perspicaces sauront faire la part des élémens imprévus, mais ils puiseront dans leur expérience les règles de conduite grâce auxquelles ils traverseront sans encombre les crises financières et économiques.


RAPHAËL-GEORGES LEVY.