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alternative est musicale aussi. Bien plus, elle l’est éminemment, et l’étude comparée des paroles, même d’un Victor Hugo, et de la musique, mais d’un Saint-Saëns, montre à n’en pas douter que la musique a su, mieux encore que la poésie, avec plus d’éclat, de richesse, de variété surtout, accuser, fortifier, élargir le contraste qui fait l’essence même du sujet.

Rien que dans la couleur antique, la musique a marqué plus que des nuances. Dans l’âme païenne elle a distingué divers états. Au début de la première strophe : « Dors, ô fils d’Apollon ! » des accords parfaits, les plus calmes de tous les accords, s’étagent, s’égrènent en arpèges lents, presque silencieux, autour du poète endormi. Nous croyons voir et, longuement, nous contemplons, béni, bercé par les Muses, le sommeil antique répandu sur un front ceint de lauriers. Enfin, quand vient le dernier vers : « La lyre chante auprès de toi, » alors il semble en effet que la lyre s’éveille ; son nom, trois fois redit, provoque dans l’orchestre l’éclosion, puis l’explosion d’un enthousiasme qui bientôt s’apaise, tombe, et les cordes d’or, un moment pressées et vibrantes, redeviennent muettes.

En ce conflit d’idées et de sentimens, toute créature intervient. Il n’est pas jusqu’aux animaux qui n’y apportent leur symbolique témoignage. La colombe, figure de l’Esprit-Saint, descend des deux ; l’aigle au contraire y monte, et nous entendons, nous voyons presque l’oiseau de Jupiter s’enlever sur des basses vigoureuses et grondantes, sur des trémolos frémissans, aux sons d’un orchestre qui siffle et fend l’espace, d’une voix qui lance l’éclair et la foudre.

D’une main rude ou caressante, le musicien fait sonner toutes les cordes de la lyre. A l’ode ardente succède la plus voluptueuse élégie (voir certaine strophe, exquise entre toutes, à la louange non de l’amour, mais des amours : « Aime ! Eros règne à Cnide, à l’Olympe, au Tartare ! ») Jusqu’à la fin, surtout à la fin de cette cantate où deux voix se répondent, la voix du paganisme peut-être l’emporte. Un souffle dionysiaque anime, exalte le dernier chant de la lyre :


Jouis ! c’est au fleuve des ombres
Que va le fleuve des vivans !


Hé ! quoi, diront les renchéris, une valse ! Oui, mais laquelle ! De quel cœur, de quelle fièvre elle marque les pulsations ! Avec quel entrain, quelle verve juvénile ! Carpe diem… Nunc est bibendum. Il existe plusieurs espèces d’ « impératif catégorique. » Ce n’est pas