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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 7.djvu/335

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remplir la charge de contrôleur général, de se réserver la direction du Trésor royal, a cru ne pouvoir confier un détail aussi important à personne qui en fût plus digne que le sieur Necker… Sa Majesté l’a nommé et le nomme, pour exercer sous ses ordres la direction de son Trésor, avec le titre de conseiller des finances et de directeur général du Trésor royal… Louis. »

La « qualité de protestant, » comme s’expriment les contemporains, nécessita pourtant certains arrangemens de détail, certaines dérogations aux règles ordinaires. Ainsi fut-il convenu que Necker serait dispensé de prêter le serment d’usage à la Chambre des Comptes[1]. Il « travaillerait avec le Roi, » le plus souvent en présence de Maurepas, mais ne signerait pas les actes, le Roi devant seul se charger de cette formalité. En acceptant ces conditions, Necker en formulait une autre, qu’il devait maintenir fermement tout le temps de son ministère : il ne toucherait pas d’appointemens, sous quelque forme que ce fût. Il alla même encore plus loin, en refusant les menus avantages que la coutume attribuait aux ministres, comme les loges gratuites au spectacle. Ce désintéressement, connu, commenté du public, produisit dès le premier jour une avantageuse impression. Jusque dans les lointaines provinces, des légendes s’établirent, représentant le nouveau directeur comme un prodige d’austérité et de simplicité de vie, dédaigneux de tout faste, « se nourrissant uniquement de mets préparés de la main de sa vertueuse épouse. »

L’opinion, au surplus, lui était nettement favorable et l’on attendait ses débuts avec une curiosité sympathique. A peine perçoit-on çà et là quelques murmures vite étouffés, échos de déceptions ou d’inimitiés personnelles. C’est ainsi que le sieur de Vaines, — l’inventeur, comme on sait, de la division du contrôle, dont il comptait bien profiter, — prétend avoir été « dupé » et demande sa retraite, sous prétexte qu’il ne veut pas « travailler sous M. Necker[2]. » On note aussi quelque méchante humeur dans la famille de Taboureau, laquelle déclare que cet excellent homme est victime d’une « intrigue de Cour, » qu’il n’aura que le « simulacre » d’un emploi dont Necker sera le réel occupant. A clabauder ainsi autour de Taboureau, on

  1. Lettre du sieur Rivière au prince X. de Saxe, passim.
  2. Il renonça à la pension à laquelle il disait avoir droit, mais réclama et obtint en échange des lettres de noblesse.