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d’où elle serait distribuée dans tout Paris. « C’est bien de l’embarras, dit un contemporain, et je doute que Paris prenne assez à la chose » pour que la compagnie concessionnaire puisse en tirer profit.


VI

La complication moderne des maisons, les jouissances multiples que l’on paie désormais avec le logement, rendent bien difficile la comparaison des loyers de deux époques parce qu’ils ne s’appliquent pas aux mêmes choses : il en coûte plus de faire ou de réparer un ascenseur qu’un pont-levis. Il est admis que, par suite des charges, — impôts, concierge, assurances, eau, gaz, chauffage, etc., — le loyer actuel, le gros loyer surtout, n’entre que pour les deux tiers dans la poche des propriétaires ; le 3e tiers étant déboursé par eux en frais. Les constructeurs avisés avouent que ces débours sont très profitables : certains menus détails, certains perfectionnemens qui majorent le devis de 10 ou 15 pour 100, exercent assez de fascination sur le public pour permettre de louer les appartemens avec une plus-value de 50 pour 100.

Ici néanmoins la hausse des loyers résulte d’un progrès positif ; au contraire elle est accompagnée d’une perte sous le rapport du terrain, devenu plus exigu. Les habitans ont toutes leurs aises, mais c’est le bâtiment qui n’a plus les siennes. L’enchérissement du sol a eu pour effet de réduire l’espace non bâti, les grandes cours, les vastes communs et les jardins, c’est-à-dire ce cadre d’air indispensable, que des déblaiemens onéreux ont rendu depuis soixante ans aux monumens publics : Notre-Dame, la Tour Saint-Jacques ou le vieux Louvre se livrent ainsi à notre admiration plus librement que jadis, parures conservées d’un autre âge, semblables à des curiosités apportées de loin. Mais les édifices privés ont perdu ce cadre, parce qu’il serait trop voyant. Ceux-là mêmes, parmi les richissimes qui pourraient le payer, n’osent avoir assez de terrain pour loger leurs palais d’hier, lesquels, gauchement pompeux, étouffent dans un emplacement étriqué. Rien n’a été omis pour les embellir… sinon le vide étendu que l’importance de leur taille commandait aux alentours et d’où les vieux hôtels tiraient leur dignité, leur gloire.