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Mary Chaworth et bâti sur le premier roman qui est, on l’a vu, assez vulgaire, un second roman qui ne l’est pas assez pour nous paraître vraisemblable. Le lecteur en sera juge dans un moment.


III

Si j’écrivais la biographie de lord Byron, j’aurais à raconter les déplorables détails de sa vie universitaire et Les détails, plus déplorables encore, de son existence à Newstead Abbey. Je ne suis pas entièrement dispensé de cette pénible tâche, car, dans ce furieux essor des sens que rien ne semble rassasier, il y a encore du sentiment et du rêve, avec une exaltation bizarre qui excuserait beaucoup d’écarts si elle était toujours parfaitement sincère. Ainsi je pardonnerais volontiers à l’étudiant de Cambridge de faire des dettes s’il n’était extravagant avec préméditation lorsqu’il écrit à son solicitor : « Je dois sept mille livres ; j’en devrai dix mille à la fin de l’année. » Je me contenterais de hausser les épaules lorsqu’il veut parodier les moines de jadis dans son abbaye de Newstead, si je ne voyais clairement qu’il copie les mystères de Medmonham, inaugurés, quarante-cinq ans auparavant, par l’horrible bande de Wilkes, de Francis Dashwood et de Sandwich qui, selon toute vraisemblance, copiaient eux-mêmes quelque autre modèle.

Ces jeunes gens étaient-ils aussi infâmes qu’ils se plaisaient à le croire et qu’ils désiraient le paraître ? De mauvais bruits couraient sur eux, c’est évident ; mais on sait combien on suppose le scandale caché plus grave que le scandale public. Que nous dit-on ? Qu’ils s’affublaient de robes monacales et formaient des processions autour des vieux cloîtres ; que l’un d’eux, Skinner Matthews, s’étendait au fond d’une bière et, de là, poussait des cris lugubres pour épouvanter ses camarades plus qu’à moitié gris. Qu’est-ce que tout cela, sinon une continuation de la vie universitaire d’alors et d’aujourd’hui ? Car je pourrais citer des anecdotes qui datent d’hier et qui ressemblent beaucoup aux échos de Newstead. Dans sa vie de Byron qui a été longtemps considérée comme la biographie officielle du poète, Thomas Moore, le plus autorisé de ses amis, fait allusion aux farces de Newstead, et, pour écarter tout soupçon d’hellénisme, il y mêle la domesticité féminine du château.