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d’épiderme et de vagues principes, appris par cœur, qu’elle oubliait de mettre en pratique dans la vie réelle.

D’après tout cela, on ne serait guère surpris d’apprendre qu’elle a eu des amans. Or ses ennemis les plus acharnés n’ont jamais pu lui en découvrir qu’un seul. Etait-elle jolie ? Les témoignages diffèrent sur ce point si important. Lady Shelley, qui avait séjourné à Six Mile Bottom, la décrit d’un mot intraduisible : a dowdy goody qui nous montre une bonne femme sans élégance et sans grâce. Mais les femmes se jugent-elles bien entre elles, au point de vue de l’empire qu’elles ont sur nous ? Lord Stanhope, qui avait connu Augusta dans sa jeunesse, dit « qu’elle avait l’air d’une nonne. » Qu’entendait-il par là ? De quelque façon qu’on interprète le mot, il ne répond guère à l’idée que nous nous faisons de Mrs Leigh, et nous ne voyons pas très bien une nonne à la cour de George IV, une nonne mère de sept enfans. « C’était une femme charmante, » affirme lord Lovelace dans Astarté, et le portrait qu’il y a inséré confirme cette assertion. Or ce portrait est loin de tout dire !

Quelles étaient les relations réciproques du frère et de la sœur ? Pendant son enfance, Byron ne l’avait jamais vue. La première lettre qu’il lui écrivit commence par ces mots : « Dear Madam. » Pendant son séjour à Cambridge, il eut l’idée de la prier d’endosser pour lui un billet de huit cents livres : détail qui suffirait à prouver combien peu il était au courant des conditions où vivait le ménage Leigh. Plus tard, en 1811, après le retour du grand voyage, c’est Mrs Leigh qui parle d’emprunter de l’argent à son frère, et cela est déjà plus normal, car Byron est de ceux qui n’ont jamais d’argent pour payer leurs dettes, mais en trouvent parfois pour payer celles des autres. Peu à peu l’intimité s’établit ; elle fut cimentée par des séjours que fit Byron à Six Mile Bottom et Augusta à Newstead avec ses enfans.

Il l’appelait the goose (l’oie), et ce surnom prenait, sur ses lèvres, un étrange accent de tendresse dont fut jalouse, plus tard, lady Byron, qui se croyait une femme supérieure. « Il n’y a, disait-il, qu’Augusta qui me comprenne, il n’y a qu’elle qui sache me prendre et s’adapter à mon caractère. » Bientôt il lui confia tous ses secrets ; elle lui donnait des conseils, mais ne lui faisait jamais la leçon. Lorsqu’il était en colère, elle lui laissait dire toutes sortes d’énormités avec un sourire maternel et un haussement d’épaules indulgent. L’orage passé, elle revenait à