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effet imprévu de familiariser avec les choses de Rome les gens de Berlin. Mais Bismarck lui-même, le signataire de cette fameuse dépêche de 1872 qui avait menacé la liberté du conclave, apparaissait indifférent, insouciant ; ses diplomates affectaient des mines détachées.

Lorsque le chargé d’affaires d’Italie vint notifier au secrétaire d’Etat Bülow que le Quirinal garantissait la sécurité du Sacré-Collège, Bülow prit acte, remercia, exprima l’espoir que le nouveau pape saurait rendre justice aux sentimens de l’Allemagne et se contenta d’observer « de quel péril eût été, en pareille occurrence, le gouvernement dont le 16 mai avait menacé la France et ses voisins. » Le Cabinet de Berlin, s’il fût demeuré fidèle à son programme de 1872, aurait prié le nouveau gouvernement français de collaborer avec lui pour prévenir ou pour réparer l’élection d’un pape intransigeant ; mais rien de pareil ne fut essayé. Bismarck naguère s’était figure que l’Europe pourrait mettre des conditions à la reconnaissance de l’évêque de Rome, tout comme la Prusse en voulait mettre pour la reconnaissance des simples curés ; mais, au jour venu, Bismarck laissait tranquilles, et l’Europe, et le conclave. Il ne poussait pas le Culturkampf jusqu’où il avait rêvé de le pousser ; il ne s’avançait pas jusqu’à vouloir régner sur Rome pour régner ensuite, par Rome, sur l’Eglise d’Allemagne ; il renonçait à ce suprême moyen de victoire au-delà duquel cependant il n’en pouvait entrevoir aucun autre ; et cet effacement de Bismarck devant le cercueil de Pie IX fut le premier mouvement de retraite esquissé par le chancelier de fer.


I

Vingt-quatre heures à peine s’étaient écoulées depuis qu’avait flotté sur la place Saint-Pierre le traditionnel panache de fumée qui prévient les Romains qu’ils ont un pape ; et déjà ce pape, — c’était le 20 février 1878, — écrivait à l’empereur Guillaume pour lui annoncer son avènement.


Affligé, lui disait-il, de ne plus trouver, entre le Saint-Siège et Votre Majesté, les relations qui existaient naguère si heureusement, Nous faisons un appel à la magnanimité de votre cœur pour obtenir que la paix et la tranquillité des consciences soient rendues aux catholiques qui sont une notable partie de vos sujets. Quant à eux, ils ne manqueront