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pas, comme la foi même qu’ils professent le leur prescrit, de se montrer, avec le plus consciencieux dévouement, déférens et fidèles à Votre Majesté.


La théologie catholique impose aux sujets certains devoirs. Au nom des catholiques allemands, devenus ses fils spirituels, Léon XIII donnait l’assurance que ces devoirs seraient remplis ; il parlait en chef religieux, ayant le droit de leur commander. Mais sans invoquer à l’égard de Guillaume Ier lui-même, comme l’avait un jour fait Pie IX, la juridiction naturelle du Pape sur toutes les âmes baptisées, il adressait, du haut de sa souveraineté nouvelle, un appel à la souveraineté de l’Empereur : puissance politique, il ouvrait un dialogue, d’égal à égal, avec une autre puissance politique.

L’autre puissance, — l’Allemagne, — répondit à la date du 24 mars. Guillaume félicitait Léon XIII. Il évoquait le passé, rendait justice au présent, espérait dans l’avenir. Il ‘expliquait que dans le passé les sentimens chrétiens qui animaient le peuple allemand avaient fait régner la paix intérieure et fait durer l’obéissance, il avait confiance que dans l’avenir ces sentimens auraient la même vertu ; et quant au présent, il disait : « Votre Sainteté relève avec raison le fait que mes sujets catholiques, de même que les autres, prêtent à l’autorité et aux lois l’obéissance qui répond aux enseignemens de la commune foi chrétienne. » Ainsi le Pape et l’Empereur s’accordaient pour témoigner que les bons catholiques d’Allemagne étaient de bons sujets. Mais, serrant le Pape de plus près, l’Empereur ajoutait :


J’emprunte volontiers aux paroles amicales que vous m’avez adressées l’espoir que vous serez disposé, avec l’influence puissante que la constitution de votre Eglise accorde à Votre Sainteté sur tous les serviteurs de cette Église, à agir en sorte que ceux de ces serviteurs qui l’ont négligé jusqu’ici, suivant dorénavant l’exemple de la population dont l’éducation spirituelle leur est confiée, obéissent aux lois du pays qu’ils habitent.


Tout dans ces dernières lignes était savamment concerté ; elles portaient la marque de la rédaction bismarckienne, inquiétante jusque dans ses avances, et toujours habile à glisser la menace derrière le sourire, à asséner, d’un même geste méphistophélétique, le coup d’encensoir et le coup de boutoir. Elles étaient terribles pour le clergé allemand : elles insinuaient que ce clergé, destiné à élever le peuple, devrait bien, en fait, suivre l’exemple du peuple, et, comme le peuple, savoir obéir :