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renouveler le Reichstag : on conjecturait qu’après le second tour, Windthorst, qui, dans le précédent Parlement, disposait de 96 voix, pourrait compter sur 108 ; on constatait que les conservateurs, à demi hostiles aux lois de Mai, gagnaient une trentaine de sièges, aux dépens des nationaux-libéraux, champions de ces lois. Il semblait donc que les votes du peuple allemand dussent induire l’Eglise à beaucoup de confiance et Bismarck à un peu de condescendance ; la réaction populaire contre la politique du Culturkampf s’accentuait. Mais la satisfaction de Masella fut soudainement troublée par un douloureux message ; une mort subite, le 1er août, avait terrassé le secrétaire d’Etat Franchi. Privé de son chef, ignorant quel serait le successeur, Masella se sentait moins à l’aise, pour négocier.

Il avait un programme : Franchi l’avait rédigé sans pressentir, assurément, que ce programme était son testament. Masella s’y conforma. Ce que veut le Vatican, déclara-t-il tout de suite à Bismarck, c’est que le Cabinet de Berlin s’engage à ne plus poursuivre l’exécution des lois de Mai, et c’est qu’on retourne à l’état de choses fixé par la bulle De salute de 1821. Ce sont là questions de principe, interrompit Bismarck ; il persistait à penser que sur les principes on ne pouvait pas s’entendre, et ce qu’il voulait, c’était que Masella cherchât avec lui le moyen pratique de faire cesser au plus tôt la bagarre du Culturkampf. Les lois de Mai, il n’y tenait pas ; elles avaient été, racontait-il, faites contre sa volonté, alors qu’il était loin de ses collègues ; il qualifiait même d’absurde le droit que s’était arrogé le législateur de déposer des évêques. Mais quant à prendre, à brûle-pourpoint, des engagemens au sujet des lois de Mai, il s’y refusait. D’ailleurs, les propositions séduisantes affluaient sur ses lèvres : il offrait la conclusion immédiate d’un armistice avec amnistie complète pour la plupart des évêques déposés, pour les curés, pour les vicaires ; il offrait le rétablissement des traitemens ecclésiastiques, le rétablissement des relations diplomatiques ; mais il demandait que les évêques consentissent enfin, comme ils le faisaient en d’autres pays, à notifier au pouvoir civil les nominations des curés. Que l’Eglise eût un bon mouvement, et l’on pourrait plus tard, peut-être, nommer une Commission pour réviser les lois de Mai ; on pourrait même, dans cette Commission, faire entrer un évêque. « Vous le voyez, concluait-il en riant, je suis tout prêt à faire un petit Canossa. »