Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 7.djvu/630

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aujourd’hui l’on se tournait vers Rome, et on lui disait : Parlez.

On souhaitait, même, que Masella parlât, tout de suite, et qu’il parlât à Bismarck lui-même. Il venait à peine de poser pied à Dresde, lorsqu’il reçut du comte de Solms, ministre de Prusse, communication d’une dépêche de Bismarck : le chancelier, désireux de converser avec un prêtre aussi « modéré, » avec un esprit aussi « objectif, » priait le nonce de pousser jusqu’à Berlin. Mais Masella fut prudent ; il sentit que Bismarck, redoutant, pour son amour-propre d’homme d’Etat, l’ennui d’un voyage à Canossa, aimerait voir l’Eglise romaine faire tout d’abord le voyage inverse, le voyage de Berlin. La campagne électorale pour le renouvellement du Reichstag était dès lors ouverte : en paraissant à Berlin, le nonce du Pape eût singulièrement gêné les candidats du Centre ; on aurait prétendu, dans la presse officieuse, qu’en renouvelant dans les meetings les revendications catholiques, ils troublaient l’atmosphère sereine, propice aux causeries d’un ministre et d’un nonce. Masella se déroba, objecta que les affaires balkaniques devaient être prépondérantes, pour le moment, dans les sollicitudes du chancelier ; et tournant le dos à Berlin, il prit en gare de Dresde son billet pour Munich, avec une habile modestie.

Bismarck avait voulu transporter les négociations à Berlin ; il avait échoué. Le Pape, répondant le 2 juillet à la lettre du prince Frédéric, exprimait le désir qu’elles eussent lieu à Rome. Mais envoyer à Rome un négociateur, c’était, pour Bismarck, aller à Canossa : à son tour, le vœu de Léon XIII échouait. Les deux puissances aspiraient à se tâter entre elles ; mais chacune disait : C’est chez moi que l’on causera.

Une combinaison s’offrit : Bismarck, cet été-là, devait, pour sa santé, se rendre une fois de plus à Kissingen ; Holnstein, le 16 juillet, vint dire à la nonciature de Munich que le chancelier se féliciterait beaucoup d’avoir, durant sa cure, une entrevue avec Masella. Quatre ans plus tôt, dans cette même station thermale, Bismarck, visé par le pistolet du tonnelier Kullmann, avait publiquement inculpé de cette tentative d’assassinat l’ « ultramontanisme » lui-même ; il y conviait à un rendez-vous, aujourd’hui, le représentant qualifié de cet ultramontanisme. Léon XIII autorisa le voyage de Masella. A la fin de juillet, le nonce et Bismarck se rencontraient. Ils connaissaient l’un et l’autre, déjà, le résultat des élections qui venaient de