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semblait faire défaut à ceux qui avaient osé prendre une telle responsabilité. Quand on parle de la guerre de 1870, on n’examine généralement que les dehors de cette guerre : les levées d’hommes, les combats, les batailles et leurs résultats, les forces engagées de part et d’autre, le mérite des combinaisons diverses, la sagesse ou l’indépendance des ordres donnés. On trace le tableau saisissant de la France envahie, du cercle d’investissement autour de Paris, de la séparation de la capitale et de la province, du désarroi et des troubles causés par des catastrophes inouïes. Mais on ne fait pas assez attention aux efforts cachés, tenaces, désespérés, par lesquels apparurent tout à coup ces armées nouvelles dont on note les évolutions ; on ne remarque pas les obstacles de tout genre et les difficultés innombrables, inouïes, qui se dressaient devant ceux qui avaient à former ces régimens et à les amener sur le champ de bataille. Un détail suffira pour montrer de quoi dépendaient souvent les affaires les plus sérieuses. Les cartes d’état-major étaient restées à Paris. La Délégation n’en possédait qu’une seule prêtée par la municipalité de Tours à l’amiral Fourichon. En quelques jours, sur l’initiative de l’officier Jusselin, le gouvernement fit photographier et héliograver 15 000 exemplaires, lesquels, collés sur toile, furent distribués immédiatement à nos chefs militaires. Le recrutement de l’administration centrale de la Guerre et des services spéciaux était chose extraordinairement inquiétante, et les cadres réguliers étaient épuisés. On s’adressa aussitôt aux civils pour suppléer les intendans, les médecins et les officiers du génie. Avec des ingénieurs, des professeurs, des magistrats et des industriels on compléta les cadres. « Ne vous arrêtez, disait Gambetta, ni à la dépense ni aux personnes. Tout pour la Défense nationale ! » On l’écouta et l’on tailla dans le vif. On rendit l’Artillerie indépendante du Génie et on obtint ainsi des prodiges d’activité, si bien qu’on réussit à mettre en ligne deux batteries de six pièces par jour, ce qui stupéfia les Allemands. Les services de l’Infanterie et de la Cavalerie furent aussi réorganisés. L’Intendance subit des réformes profondes. Les capsules pour chassepots manquaient. Avec l’aide des savans Marqfoy et Mascart, on installa la capsulerie de Bourges à Toulouse et l’on arriva à produire 1 200 000 capsules par jour. On rendit des décrets qui conféraient provisoirement des grades à des personnes n’appartenant pas à l’armée, mais capables par