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de quelques accords, de la mélopée errante d’un chalumeau, d’un thème religieux (le thème caractéristique de François), qui s’y mêle, d’abord faible, esquissé plutôt que formel, à peine conscient et non encore maître de soi. Rien de plus. Je me trompe : quelque chose de plus et d’étrangement expressif : çà et là des intervalles, et comme des vides silencieux.

Avant la scène du lépreux, paysage encore ; paysage que viendra bientôt assombrir et comme souiller l’apparition du malheureux, qu’une musique sinistre accompagne ; mais, d’abord, paysage riant et dont un chœur, vaguement grégorien, fait pieuse aussi la printanière douceur. Paysage toujours, la prédication aux oiseaux. Oiseaux-enfans, enfans-oiseaux, le musicien de la Croisade des enfans et des Enfans à Bethléem ne pouvait choisir ici d’autres interprètes. Il leur a fait chanter, en chœur, une chanson mélodiquement simple, naïve même, chanson d’oiseaux ou d’écoliers. Mais, pour trois ou quatre volatiles solistes, la grive, le rouge-gorge et jusqu’au roitelet, il a réservé quelques phrases moins faciles, plaisantes par la difficulté même, et très pittoresques, où l’on dirait que les notes voltigent, sautillent, et tantôt se pelotonnent et tantôt se hérissent. A travers ce concert des voix et des ailes, il va sans dire que le symphoniste ingénieux a semé les traits brillans, les couleurs vives et les rythmes spirituels, de sorte que çà et là, dans le babil des oisillons d’Assise, on croirait presque surprendre, espiègle et familier sans irrévérence, le rire de nos moineaux parisiens.

Parmi les élémens de la poésie et de la joie franciscaine, il n’en est pas, on le sait, de plus fécond et de plus glorieux que « notre frère le soleil. » Il figure ici dans le cantique fameux auquel il a donné son nom. M. Pierné l’a traité, ce cantique, sous une forme et dans un style original. Il en aurait pu faire une ode classique, à strophes régulières, variées seulement selon les puissances, ou les grâces, de la nature, que la poésie énumère et célèbre tour à tour. Le musicien a cru meilleure une coupe différente, et plus libre : une série d’apostrophes ou d’acclamations, jetées à pleine voix, à voix seule, auxquelles, plutôt que de les accompagner, l’orchestre, sur un mode analogue, répond. Et ce mode est beau d’enthousiasme, de lyrisme éperdu. Il donne à ces pages l’allure d’une sorte de vocero, d’une improvisation populaire, très religieuse et quasi liturgique même, grâce à l’effet tout grégorien de la vocalise et de la « jubilation. »

Le soleil, honoré seulement dans ces pages, rayonne lui-même en certaines autres, brillantes et brûlantes de lui. C’est au commencement